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Critique de oblo


Ce n'est pas un guide, et ça ne parle pas de Paris. le guide, c'est le prétexte. Paris, c'est la surface. Paname Underground, un titre ambivalent, où les choses, entre elles, semblent se confondre. le narrateur, par exemple, est-il totalement l'auteur ? Il en a le nom, les fréquentations aussi, mais quant aux situations qu'il traverse, on espère que le vrai Johann Zarca ne les a pas toutes affrontées. Pour savoir le vrai, sans doute faut-il aller en profondeur, sous la surface, under ground : laissons l'identité du narrateur nimbée de mystère, et intéressons-nous à ceux de Paris.

Le guide, c'est l'idée de Dina, l'amie, l'amante, la muse du narrateur, Zarca. Quelques pages pour faire découvrir au lecteur un Paris caché, violemment vivant. C'est justement parce que la violence imprègne littéralement ce milieu underground que, dans la deuxième partie du roman, celui-ci bascule dans une quête vengeresse qui, de lieux sordides en lieux sordides, mènera à coup sûr vers la mort. Pour établir son guide, Zarca sillonne la capitale, active ses réseaux : Dina qui travaille dans les bars chauds de Pigalle, Azad, un réfugié afghan, Bibo, un clochard, Seb, un fasciste de la rive gauche, Slim, un dealer du 20ème, Erik qui pratique un certain type de massage ... de quartier en quartier, une capitale interlope est mise à jour, de façon inhabituelle : rivalités entre quartiers, bars identitaires et bars où les clients trouvent boissons et prestations sexuelles tarifées, combats illégaux, misère des clochards, squats crades et bidonvilles coupe-gorges.

L'underground de Zarca est multiple par nature. Toutes les nationalités se côtoient, chacune avec leurs spécialités. Celles-ci sont diverses, aussi, et n'ont pas forcément de rapport les unes avec les autres. Trois thèmes les rassemblent : la drogue, la violence et le sexe : ce sont les bornes des territoires à la marge. La drogue, omniprésente dans le roman - notamment parce que le narrateur est un grand consommateur - alimente l'économie tout comme elle semble indispensable à tous ceux qui la consomment pour accepter ce qu'ils vivent. La violence a plusieurs formes : verbale de façon constante, physique et sexuelle, elle peut même être esthétisée à travers les combats d'arts martiaux ou à travers une certaine philosophie fasciste. Mais cette violence est toujours implacable, réglant les comptes bien mieux que les mots, s'exerçant même contre les plus proches alliés : ainsi en va-t-il de Dina, dont la mort sera le point de départ de la quête hallucinée de Zarca. Quant aux pratiques sexuelles, elles aussi sont multiples, empreintes d'amour comme dans la relation entre Zarca et Dina, ou de violence comme dans la descente dans la backroom de Montparnasse, le Gouffre. L'underground est ce qu'il est parce qu'il s'affranchit des lois et des règles, non pas pour défier l'autorité par simple insolence, mais parce que ce qui est convenu, toléré, normé par la société ne suffit pas à ceux qui vivent dans l'underground pour vivre et survivre.

La grande attraction qu'exerce le roman ne tient pas tant de la trame narrative que de la langue et du rythme imposés par l'auteur. Johann Zarca manie avec brio un langage populaire et argotique qui sonne vrai. Pêle-mêle se mélangent verlan, argot, mots gitans, arabes, trouvailles en tout genre qui démontrent le caractère vivant de la langue française et d'une science, l'étymologie, qui n'est pas seulement réservée aux dictionnaires. de la gova à la garrot, du zbeul au tièque surgit tout un vocabulaire qui percute et dynamite un texte d'un rythme incessant. En faisant de la pratique orale de la langue une pratique écrite, Johann Zarca affirme une certaine radicalité de la littérature, qui ne se départit que de façon extrêmement ténue du réel. On pourra reprocher au roman des défauts inhérents à sa radicalité, mais on ne pourra pas lui reprocher des incohérences : car dans le Paris underground, la raison ne régit pas forcément les hommes. Plus qu'ailleurs probablement, c'est une forme désespérée et enragée de la vie qui les agite. Plus qu'écrivain, Zarca en est ici un témoin.
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