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Critique de Patsales


Vous êtes né.e.s après 1980? Alors, c'est sûr, vous avez eu droit au schéma actantiel, le héros, la quête, les adjuvants, les opposants, et tout ça, glose universitaire introduite à grands coups de tatanes dans les programmes du primaire pour des motifs restés indéterminés à ce jour. Alice Zeniter nous le refourgue dans un seule-en-scène hilarant qui prouve que, si j'ignore à ma grande honte quel écrivain elle est, comme prof, en tout cas, elle est au moins championne du monde. La voici qui, pour notre plus grande joie, ressuscite ce bon vieil Aristote en train d'animer un atelier d'écriture, taclant une certaine Marguerite même pas fichue de mettre un minimum de suspens dans ses romans. Ce n'est pourtant pas bien compliqué d'imaginer une bonne histoire: début, élément perturbateur, péripéties, climax, descente, résolution; c'est pas plus difficile que ça et hop! Lect.eur.rice.s en transes ou en larmes, 10 000 ans que ça marche, pas de raison de changer.
Évidemment, la plupart des récits mettent en scène des héros actifs et beaucoup plus rarement des héroïnes. Comme Emma Bovary (suicidée), Anna Karenime (suicidée), la princesse de Clèves (recluse volontaire). On notera donc que dans les belles histoires de la littérature mondiale, les femmes sont non seulement moins nombreuses (voir la Schtroumpfette), moins centrales (voir Astérix) mais surtout nettement plus passives-agressives (puisque c'est comme ça, je me tue / je pars au couvent et vous allez me regretter bouhouhou).
Bref, horreur, on sait que les livres ont toujours été écrits par les vainqueurs, en l'occurrence par les chasseurs plutôt que les cueilleuses, ce qui signifie que tout ce qu'on nous a appris à l'école c'est à aimer la littérature patriarcale (encore que, grâce aux thuriféraires de Greimas, on ait aussi appris aux gamins à la détester - faut-il s'en réjouir ?).
Or, le pouvoir des histoires étant ce qu'il est, dans la bibliothèque rose comme à Hollywood, il est peut-être temps d'inventer un autre imaginaire.
Oui, on est d'accord, une telle objurgation ne casse pas trois pattes à un canard mais cette conférence théâtrale n'est pas un brûlot théorique : c'est une délicieuse invitation à réfléchir sur le féminisme, les métalepses et les notes de bas de page (tout ce que j'aime, en fait).
D'ailleurs, j'ai toujours pensé que la sous-représentation des femmes en littérature était un faux problème. de huit à quinze ans j'ai lu toutes les aventures des quatre mousquetaires et je sais depuis que D Artagnan c'est moi, bene pendantes ou pas.
En revanche, pour reprendre un exemple d'Alice Zeniter, depuis que vous avez commencé à lire ce billet, 20 personnes sont mortes de faim dans le monde (on rigole moins, hein?). Plus que la littérature patriarcale m'inquiète la littérature doudou, plaisir égoïste du reclus en sa tour d'ivoire.
C'est pourquoi il faut lire les 80 pages d' « une fille sans histoires », pour rire et s'interroger.
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