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Critique de AlbertYakou


Après son 84, réécriture à l'ère covidique du célèbre roman de Georges Orwell, qui m'avait fait forte impression, j'ai voulu en savoir plus sur Gordon Zola, auteur atypique et inclassable. Cartonne 14 (« tranchés dans le vif » ou « pour bien rire dans les trachées ») est un livre d'histoire habilement construit (et bien maquillé dira-t-on).

On y retrouve d'abord cet humour débridé, très imaginatif, omniprésent, qui est la marque de fabrique de l'auteur, avec des calembours et des jeux de mots au kilo, si nombreux qu'on regrette d'en manquer (car il faut être attentif pour les voir tous). C'est souvent bon, parfois excellent (à se surprendre soi-même à rire soudain, comme par exemple en ce qui me concerne pour la « turlute hutue »), parfois moins bon (mais c'est un risque quand on cherche le jeu de mot à tout prix).

Ensuite, on est surpris par la vaste culture de l'auteur. Car le texte est émaillé de références, parfois dissimulées, mais qui révèle que notre Gordon Zola a reçu dans sa jeunesse (ou a acquis dans sa maturité) tout le bagage classique d'un lettré. Indéniablement, le bonhomme lit beaucoup.

Enfin, le style. Je l'ai signalé déjà pour son 84, notre nouveau Zola écrit bien, très bien, excellemment même, avec fluidité et facilité, ce qui participe grandement au plaisir de la lecture.

Venons sur le fond. Gordon Zola, par une voie détournée (dans une tranchée en 1917) mais qui retombe habilement sur ses pieds à la fin du roman, défend la thèse que les responsables de cet épouvantable tuerie de masse que fut la guerre 14-18 sont les alliées de la Triple Entente (France, Russie, Angleterre). C'est-à-dire nous… Et non pas l'empire germanique, ni austro-hongrois. L'Histoire est écrite par les vainqueurs, c'est bien connu, et c'est bien pour cela qu'on ne peut pas refuser d'inspecter de très près cette horrible affaire.

Nous assistons à un petit cours d'Histoire drôlatique (drôle par le style et la narration, mais bien triste en vérité) qui débute en Serbie en 1903, pour continuer en Bosnie en 1914 avec l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand et se poursuivre par la visite de Poincaré en Russie à la veille de la guerre et s'achever enfin par l'assassinat de Jaurès, le pacifiste (le gêneur des va-t-en-guerre qui dirigeaient la France à cette époque).

Le cadre géopolitique international de notre affaire est bien mis en lumière. Les Français, revanchard de la guerre de 70 (quelle pâtée, mes amis…), veulent à tout prix (c'est-à-dire quel qu'en soit le coût humain) reprendre l'Alsace et la Lorraine aux Allemands. C'est leur seule motivation. Une obsession morbide. Pour cela, il faut éliminer les gêneurs, le ministre pacifiste et partisan d'un développement économique avec l'Allemagne, Louis Caillaux (victime d'une ignoble et calomnieuse campagne de presse qui le pousse à la démission et qui poussera aussi sa femme Henriette à se rendre au journal Le Figaro pour assassiner son directeur Gaston Calmette), et Jaures, le socialiste pacifiste, qui finira une balle dans la tête. de leur côté, les Russes sont tout à leur rêve d'un panslavisme qui réunirait la Serbie, la Bosnie et tous les slaves d'Europe centrale dans une vaste entité, et veulent empêcher les Allemands de se développer vers les détroits (Dardanelles et Bosphore, Canal de Suez) qui sont vitaaux pour leur économie.

Je laisserais les lecteurs juger de la pertinence de cette analyse. de mon côté, je savais déjà, hélas, que nous étions en partie responsable de cette horreur (qui en plus amènera la suivante de 39-45) et que tout aurait très bien pu s'arranger avec un peu de bonne volonté et moins de haine antiallemande. Je me suis souvenu d'avoir lu à sa sortie le livre d'Hubert Monteilhet « INTOX – 1870/1914 la presse française en délire », montrant à quel point la presse française coalisée avait déclenché par ces campagnes inimaginables une haine viscérale de l'Allemand. Il faut lire tous les extraits de cette presse devenue folle, d'une xénophobie ahurissante à faire pâlir les plus racistes de nos contemporains. Oui, à la lecture de ces extraits du livre de Monteilhet, la guerre a en effet été préparée de loin, de très loin, voulue et désirée par nos gouvernants (Poincaré en tête) qui n'ont jamais digéré la défaite de 1870.
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