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Critique de berni_29


Sur une idée un peu folle et grisante, je me suis juré en fin d'année dernière de me lancer dans la lecture de l'oeuvre gigantesque des Rougon-Macquart. D'Émile Zola, je ne connaissais que les livres emblématiques qu'on découvre à l'école ou par les films tirés de ses oeuvres : Germinal, L'Assommoir, la Bête Humaine, Nana…
La Fortune des Rougon est le premier volume qui inaugure la longue série Les Rougon-Macquart. Cet ouvrage n'est sans doute pas le plus emblématique de l'oeuvre d'Émile Zola. Il est cependant, en tant que livre fondateur, essentiel pour comprendre ce qui va animer cette fresque sociale dont le personnage principal est … une famille. Essentiel pour comprendre aussi l'univers dans lequel les différents membres de cette famille vont entrer en scène et jouer leur rôle. Et quelle famille ! Famille nombreuse, famille heureuse ! Comme dit la fameuse chanson... Non, ne vous emballez pas, vous allez vite comprendre mon ironie et déchanter en découvrant les affres de cette ribambelle familiale.
C'est partie pour un long voyage en terre Rougon-Macquart !
Roman inaugural donc, qui plante les graines, les germes d'une hérédité ballottée entre l'élan vital de la réussite quel que soit le chemin à emprunter et une forme de dégénérescence qui fera trébucher certains des membres de cette lignée dans la débauche, l'alcoolisme, la folie ou la mort. Voilà ! Nous sommes prévenus par l'auteur lui-même dès la préface de ce premier ouvrage. En savant improvisé mais qui a étudié son sujet, Zola veut observer comment peut évoluer une famille sur plusieurs générations à partir d'une fêlure fondatrice. Son laboratoire est le Second Empire. Il y plonge ses personnages comme on jette une poignée de spaghettis dans une eau bouillante et hop ! Mais parfois les personnages créés par un artiste peuvent lui échapper, prendre d'autres routes... Initialement, l'oeuvre des Rougon-Macquart ne devait pas dépasser une dizaine de volumes et devait se cantonner sous le second Empire. A l'arrivée, nous avons vingt ouvrages, une foule de personnages, une famille XXL dont le destin sort du cadre historique imposé, mais ça, Zola ne pouvait pas soupçonner que le second Empire s'achèverait par la défaite de Sedan en 1870, lors de la guerre contre la Prusse. Tant mieux d'ailleurs, parce que Zola n'appréciait guère le régime imposé par Napoléon III et l'oeuvre des Rougon-Macquart ne manque pas dès son premier volume d'égratigner sous une caricature au vitriol le dessein politique de l'homme d'État.
Le roman a pour toile de fond le coup d'état du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte et se déroule durant les jours qui suivirent l'événement.
Le cadre géographique est une petite ville de province appelée Plassans. Ne cherchez pas sur une carte, vous ne la trouverez pas, cette ville est fictive mais pas tout à fait imaginaire cependant. Il semble que ce soit Aix-en-Provence, ville natale d'Émile Zola, qui ait inspiré l'auteur.
Et maintenant, plantons le décor...
Avant de parvenir au 2 décembre 1851, Zola vient un peu en arrière pour expliquer d'où viennent les Rougon et les Macquart. Tout commence avec Adélaïde Fouque, dite Tante Dide. Elle épouse Pierre Rougon, qui lui donnera trois enfants : Eugène, Aristide et Pascal. À la mort de son mari, elle prend pour amant un certain Macquart, contrebandier de son état. Ils auront deux enfants : Ursule et Antoine. La belle idylle s'interrompt tragiquement lorsque son amant est abattu par des gendarmes sous ses yeux, la rendant folle. Cela ne l'empêchera pas de vivre jusqu'à l'âge de 105 ans. Mais ça ce sera à l'arrivée : au vingtième volume intitulé le Docteur Pascal. Patience… Patience…
Vous me suivez jusqu'ici ? Ne vous inquiétez pas si vous êtes perdus, faites comme moi, allez sur la toile, il y a de magnifiques arbres généalogiques des Rougon-Macquart pour mieux comprendre toutes ces ramifications qui vont s'étendre au fil des ans et des générations…
Les Rougon, les Macquart, les deux branches vont se déployer, se ramifier sur cette longue oeuvre, parfois se croiser, ou la la ! Par avance on frémit en imaginant les fruits d'une telle consanguinité... Des branches légitimes, des branches bâtardes dont les racines vont puiser dans les ingrédients qui sont l'ADN de cette famille : la convoitise, la cupidité, le débordement des appétits, les ambitions sans limites, là fourberie, la méchanceté…
La Fortune des Rougon, ce titre peut s'entendre de deux manières. La première, purement matérielle, c'est la réussite financière. Mais on peut l'entendre aussi par la chance qui tourne du bon côté des Rougon. Rusés, ils savent se saisir de l'opportunité de ce coup d'état pour s'enrichir et poser la rampe de lancement de leur ascension sociale. Cela dit, ce couple sans foi ni loi sait forcer la chance en y mettant les moyens. Pour cela Eugène est bien aidé par son épouse, Félicité, qui ne manque pas d'inspiration pour manoeuvrer son mari. Celui-ci passerait presque pour un honnête homme à côté de sa femme, un personnage bien gratiné, coriace, avide, les doigts crochus pour s'agripper à tout ce qui brille comme de l'or, pour intriguer, manipuler, étouffer l'insurrection locale des Républicains dans l'oeuf… C'est ici que le gêne mauvais va s'illustrer dans ce premier tome. Et croyez-moi, comme les chiens ne font pas des chats, les enfants défendront dignement l'hérédité…
De temps en temps, comme un rayon de soleil venant déchirer ce ciel sombre, des personnages sensibles, d'une profonde humanité, surgissent comme une erreur, comme une errance dans un gêne malfamé. Il y a Silvère Mouret et son amie Miette, ces enfants qui s'aiment, insurgés, porte-drapeaux des républicains, on dirait presque la soeur et le frère de Cosette et Gavroche… Il y a aussi le docteur Pascal, Pascal Rougon. C'est un sage. Il est tellement bon, humain, que ses parents en sont presque désespérés. Au fond, entre nous, mais vous ne le direz à personne, promis ? le docteur Pascal n'est autre que Zola, enfin c'est ce que je pense...
J'ai trouvé l'écriture incroyablement belle et incisive. Zola est un poète, Zola est un orfèvre, Zola est un peintre. J'aime Zola. Il faut lire Zola.
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