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Critique de berni_29


La Joie de vivre est le douzième opus de la saga des Rougon-Macquart. Je continue mon voyage dans ce cycle où je ne m'ennuie jamais. Je me suis embarqué depuis quelques années dans la lecture de cette immense fresque en respectant scrupuleusement la chronologie des récits. Ce voyage m'amène forcément à des ressentis inégaux, différents. Des coups de coeur, des déceptions, parfois des sentiments entre deux eaux...
Il n'est pas indispensable de respecter l'ordre chronologique des livres qui composent cette saga, cependant cela m'est apparu essentiel pour mieux comprendre la lignée des personnages dont il est question dans cette oeuvre, parfois le terrible destin qui les anime, à la fois gouverné par une hérédité malsaine et un héritage social déterminant.
De temps en temps, Émile Zola semble vouloir faire une pause, poser une respiration et nous y inviter avant de rebondir vers quelque chose de plus palpitant.
La Joie de vivre, se situant entre le réjouissant Au bonheur des Dames et le bouleversant Germinal, ici j'ai craint en effet, et qui plus est avec un titre pareil, de m'ennuyer passablement...
Mais c'était sans compter sur le talent malicieux et cynique de Zola... Quelle ironie tout de même de donner un titre si prometteur et quelle cruauté de jeter cette jeune enfant innocente, Pauline, en pâture à une famille peu scrupuleuse ! Approchez, oyez bonnes gens, écoutez voir un peu...
Pauline, nous l'avions connue enfant dans le Ventre de Paris, ronde et joyeuse, fille des Quenu, charcutiers aux Halles. Ah ! Quand je vous disais que je trouve indispensable de respecter l'ordre chronologique... Vous voyez ! Pauline la voilà désormais orpheline et riche héritière de la fortune amassée par ses parents à vendre du gras. Elle est alors confiée à son oncle et sa tante, les Chanteau, qui deviennent ses tuteurs de droit. Ils vivent dans un village côtier de Normandie, près d'Arromanches, un paysage rude, battu par les embruns et les vents... C'est là qu'elle va grandir aux côtés de son cousin Lazare quasiment du même âge. Ici, on dirait un havre de paix. Pauline exulte de joie, sa joie transpire dès les premières pages...
La Joie de vivre, c'est ce paysage qui habite le coeur de cette enfant, la douceur et l'innocence d'un coeur épris d'amour pour la vie, de tendresse, d'attention pour les autres, tandis que la mer perce, grignote et emporte en elle inlassablement les fragments broyés des falaises normandes.
Mais La Joie de vivre, ce n'est pas un long fleuve tranquille où la jeune Pauline va pouvoir s'épanouir. C'est un monde vénal, un monde hypocrite et cruel, d'une violence sourde. Je ne sais pas lequel des trois Chanteau est le pire, la mère ambitieuse et manipulatrice jusqu'aux ongles, le père d'une méchanceté bête rongé par la goutte, le fils enfant gâté et instable dans ses projets... Bon, ceux ne sont pas les Thénardier, mais tout de même...
En effet, on voit peu à peu où cette famille veut amener cette enfant qui grandit chez eux, qui devient une jeune fille toujours aimante, toujours joyeuse... Pourtant, on ne la regarde pas comme une jeune fille aimante et joyeuse mais comme une source financière presque intarissable. Et comme elle est généreuse, allons-y gaiement !
Peu à peu, j'ai senti que le monde tant rêvé par la pure et joyeuse Pauline risquait de s'effondrer.
Le lecteur que j'étais espérait à chaque instant que Pauline se réveille enfin, prenne conscience de ce qui se passe, des intentions de cette famille de « braves gens », Les Chanteau, qui profitent d'elle, de la rente qu'elle va leur rapporter... Je n'étais d'ailleurs pas le seul à me révolter. Il y avait bien le médecin de famille, le docteur Cazenove, appelons cela un médecin, il a dû avoir son diplôme dans une pochette surprise celui-là. Pour autant, il est lucide, voudrait la sortir de ce marigot, tout comme Véronique, la bonne, joli personnage attachant et insolite...
La parole de Zola est bien là, présente, dans cette histoire presque innocente.
La Joie de vivre nous rappelle que le genre humain est loin d'être toujours beau et en particulier celui que nous dépeint Zola.
Pauline va grandir, s'épanouir sous la plume envolée, poétique de Zola. Il en dessine un beau personnage dans l'abnégation.
L'âme de Pauline est d'une grandeur qui nous étonne à chaque page face à tant de médiocrité.
En même temps, peut-être que Zola a vu dans ce roman la perspective que la nature humaine pouvait être sauvée par de belles personnes comme celle de Pauline. Un chemin qu'il dessine.
Les êtres fragiles sont encore plus fragiles sous la plume de Zola, les êtres sordides le deviennent tout autant... Nous sommes bien dans le monde que nous décrit Zola, c'est-à-dire le nôtre.
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