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Critique de berni_29


♫ Argent, trop cher
Trop grand ♪
La vie n'a pas de prix, pas de prix ♬

Je continue de cheminer de manière chronologique dans la saga extraordinaire des Rougon-Macquart et me voici parvenu à présent au dix-huitième roman.
À l'entame de cet opus, je n'y allais pas avec le même enthousiasme ressenti au cours de mes précédentes lectures.
On le sait puisqu'il s'en est confié, Émile Zola s'est ici inspiré directement du krach de l'Union générale.
Malgré le sujet un peu austère et quelque peu rébarbatif a priori, - avouons-le ce thème pourrait éloigner la narration d'un récit romanesque, il y a cependant indubitablement une construction artistique qui fait de ce récit un très beau roman de Zola, un de ses meilleurs du reste, car le véritable thème de ce récit n'est pas l'argent mais tout ce qui imbrique autour de l'argent, personnages, intrigues, manoeuvres, désirs, passions, dérives abyssales...
C'est un roman sur la vie et qui vient faire sens avec le long cheminement qui serpente, couture l'oeuvre des Rougon-Macquart et visite le destin de ces deux familles. La vie, telle qu'elle est, dans sa force, dans sa violence et dans ses désillusions...
Zola ne fait pas de l'argent une cible sur laquelle il envisage de déverser sa bile. Ici, l'écrivain à aucun moment n'attaque ni ne défend l'argent, il se contente de décrire ses conséquences dans sa manière d'opposer les classes aisées aux classes pauvres et d'en tresser des histoires. La question sociale vient forcément, inévitablement, s'entrelacer dans l'intrigue du récit.
Ici, comme toujours, ce roman peut être lu pour la première fois sans tenir compte de la genèse qui porte l'ampleur de l'oeuvre des Rougon-Macquart. Cependant et je vous le conseille, si vous avez suivi les précédents volumes, vous reconnaîtrez le personnage principal dans sa fourberie, sa cupidité, son avidité de fortune, son hypocrisie, sa manière de sans cesse se retourner, s'esquiver dans une situation délicate ou dangereuse, j'ai nommé Aristide Saccard, frère du ministre Eugène Rougon, qu'on avait déjà vu amasser une fortune colossale dans La Curée. Après une succession de mauvaises affaires, il doit repartir de zéro, mais son ambition est demeurée intacte. Entre temps, il a retrouvé fortune, - ces gens-là ont une capacité à rebondir qui m'a toujours sidéré -, loue deux étages d'un hôtel particulier à Paris où il installe sa banque qu'il vient de créer et qu'il nomme la Banque Universelle, destinée à financer des projets de mise en valeur du Moyen-Orient. Tout est fait pour attirer petits et moyens épargnants, auxquels on promet des gains faciles et rapides. Mais voilà, on ne se refait pas, Aristide Saccard a l'idée de pousser son désir d'enrichissement un peu plus loin en rachetant des actions émises par sa propre banque, qu'il rachète sous un autre nom, tout ceci construit un édifice de sable qui ne tardera pas à s'écrouler.
Il faut lire ce roman mal-aimé comme un récit dramatique, disant du monde de la Bourse ce qu'est peut-être le monde qui tournoie autour de nous, tente de nous gouverner, malgré nos rêves et les papillons qui frétillent dans nos ventres.
Zola décrit ici des scènes saisissantes de réalisme ou la Bourse devient une arène à l'image d'une Rome antique, ce sont des fauves dans l'arène qui se jettent en pâture sur les plus faibles.
Puis vient forcément le moment fatidique...
Derrière l'histoire d'une ascension vertigineuse, effroyable, sans scrupules, celle d'un homme avide de tout, vient s'entremêler plusieurs narratifs, dont celui de l'antisémitisme dans la concurrence financière qui s'affronte sous ce Second Empire. Je retrouve ici l'écrivain que j'aime tant, peintre de l'âme humaine, fidèle aux faits, attentionné aux valeurs qui l'ont toujours guidé, toujours prenant le pouls de son temps pour nourrir son dessein qui demeure universel encore à mes yeux.
Les personnages, puisqu'il m'est permis dans dire deux ou trois mots, sont comme toujours ciselés à merveille, jamais manichéens. Émile Zola nous permet d'approcher certaines facettes improbables et nuancées d'Aristide Saccard dont j'ai apprécié l'ambivalence tout en détestant le personnage, sous le regard étonné, épris d'une certaine Caroline, magnifique personnage féminin du roman qui lui donne de la lumière, touchante à bien des moments, que j'ai parfois trouvé cependant bien naïve et trop complaisante avec le sieur Saccard, mais l'amour a ses raisons... Si c'était si lisse, y aurait-il des romans ? Elle aide cependant par son regard à questionner sans cesse le personnage principal et je reconnais que ce procédé habile est une prouesse littéraire à mettre à l'actif de l'auteur.
Pour donner envie aux amateurs de Zola et qui seraient quelque peu freiné par le thème, je rapprocherai volontiers cet opus de celui du Bonheur des dames, on y retrouve le même cheminement, ici l'emprise financière remplace le besoin de consommation, le décor change, les acteurs changent, mais l'axe narratif reste inchangé. de l'excellent Zola !
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