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Critique de Nastasia-B


Après un ouvrage, selon moi, franchement raté de son cycle (La Faute de L'Abbé Mouret), Émile Zola signe avec ce sixième livre de son histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire, un roman à la frontière du roman historique et du documentaire.

Il est vrai qu'on peut probablement reprocher à son auteur une trame pas toujours captivante, quoique se lisant sans déplaisir. Par contre, cette oeuvre nous imprègne parfaitement des moeurs du milieu politique de l'époque et est donc indispensable à la bonne compréhension de cette période de l'histoire du XIXème siècle.

Personnellement, je vous conseille de le lire en quatuor parmi La Curée (le n° 2 des Rougon-Macquart), Nana (le n° 9) et L'Argent (le n° 18). Ainsi, vous aurez un panorama assez complet du mode de vie dans les hautes sphères de la société parisienne sous le second Empire, entre le brillant et le sombre, entre le légal et l'interlope.

Émile Zola peint un portrait bicéphale, l'un étant Eugène Rougon, en disgrâce pendant une bonne moitié du roman puis ministre dans la seconde, l'autre étant Clorinde Balbi alias, dans la réalité, celle qui fut surnommée La Castiglione, maîtresse attitrée de l'empereur Napoléon III.

On y découvre le travail souterrain ou en sous main réalisé par des éminences grises pour porter leur poulain aux affaires et ainsi récolter des dividendes lorsque le poulain en question, à savoir Eugène Rougon, sera aux commandes. Puis nous voyons ces mêmes éminences de l'ombre se dépêcher de le trahir dès que la fontaine aux avantages sera tarie et alors reporter leurs suffrages sur un autre poulain providentiel... jusqu'au prochain !

Zola nous endort un peu dans ce long cheminement mais développe, à mon avis, une démonstration efficace de ce qu'était la haute politique de l'époque. (Et est-elle très différente de nos jours ?)

Évidemment, l'auteur ne se prive d'aucune intrigue historique qu'il se contente de condenser sur les seules épaules soit de Rougon, soit de Clorinde. Ces intrigues concernaient en réalité plusieurs personnages influents et étaient peut-être un peu plus espacées dans le temps, mais dans l'ensemble, Zola ne nous ment pas. Mentionnons que c'est dans cet opus que l'auteur donne un vrai visage et fait parler celui par qui tout est arrivé, à savoir Napoléon III lui-même.

Tout compte fait, c'est un portrait étonnamment indulgent pour l'homme politique, présenté comme l'instrument, le pantin en quelque sorte de ceux qui tirent effectivement les ficelles et sont les vrais cyniques. (Est-ce différent aujourd'hui ? Quel financier n'est pas marionnettiste détenteur en ses mains des ficelles de quelques pantins politiques ?)

Rougon est donc sujet aux éloges infondés comme aux trahisons iniques. le personnage de Delestang me rappelle des politiciens à la Jospin (voire même un certain président normal élu plus récemment), poussés au pouvoir parce qu'ils n'effraient personne et qu'on peut les manoeuvrer facilement.

Eugène Rougon, lui, ferait davantage penser à un politicien à la Sarkozy, mis au purgatoire lors de la première élection de Chirac, puis ressorti comme l'homme providentiel au ministère de l'intérieur après les émeutes de 2005.

Le personnage de Rougon est présenté, somme toute, comme quelqu'un d'assez probe mais contraint d'honorer des dettes morales envers ceux qui lui ont déroulé le tapis rouge et ainsi de se renier, à la manière d'un certain président qui fit campagne sur les plates bandes de l'extrême droite puis, une fois élu, fit des ronds de jambe à la gauche tout en octroyant de beaux cadeaux fiscaux à ses amis grands patrons... Comme quoi la morale de ce roman pourrait être : SE RENIER POUR RÉGNER.

En conclusion, un roman pas forcément captivant mais pour le moins intéressant et qui cadre pleinement avec l'un des objectifs du cycle, à savoir, tracer une sorte d'historiographie de cette période-clé de l'histoire de notre pays. À noter, les commentaires d'Henri Mitterand pour l'édition Folio me semblent réellement excellents, mais ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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