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sur 932 notes
Après un ouvrage, selon moi, franchement raté de son cycle (La Faute de L'Abbé Mouret), Émile Zola signe avec ce sixième livre de son histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire, un roman à la frontière du roman historique et du documentaire.

Il est vrai qu'on peut probablement reprocher à son auteur une trame pas toujours captivante, quoique se lisant sans déplaisir. Par contre, cette oeuvre nous imprègne parfaitement des moeurs du milieu politique de l'époque et est donc indispensable à la bonne compréhension de cette période de l'histoire du XIXème siècle.

Personnellement, je vous conseille de le lire en quatuor parmi La Curée (le n° 2 des Rougon-Macquart), Nana (le n° 9) et L'Argent (le n° 18). Ainsi, vous aurez un panorama assez complet du mode de vie dans les hautes sphères de la société parisienne sous le second Empire, entre le brillant et le sombre, entre le légal et l'interlope.

Émile Zola peint un portrait bicéphale, l'un étant Eugène Rougon, en disgrâce pendant une bonne moitié du roman puis ministre dans la seconde, l'autre étant Clorinde Balbi alias, dans la réalité, celle qui fut surnommée La Castiglione, maîtresse attitrée de l'empereur Napoléon III.

On y découvre le travail souterrain ou en sous main réalisé par des éminences grises pour porter leur poulain aux affaires et ainsi récolter des dividendes lorsque le poulain en question, à savoir Eugène Rougon, sera aux commandes. Puis nous voyons ces mêmes éminences de l'ombre se dépêcher de le trahir dès que la fontaine aux avantages sera tarie et alors reporter leurs suffrages sur un autre poulain providentiel... jusqu'au prochain !

Zola nous endort un peu dans ce long cheminement mais développe, à mon avis, une démonstration efficace de ce qu'était la haute politique de l'époque. (Et est-elle très différente de nos jours ?)

Évidemment, l'auteur ne se prive d'aucune intrigue historique qu'il se contente de condenser sur les seules épaules soit de Rougon, soit de Clorinde. Ces intrigues concernaient en réalité plusieurs personnages influents et étaient peut-être un peu plus espacées dans le temps, mais dans l'ensemble, Zola ne nous ment pas. Mentionnons que c'est dans cet opus que l'auteur donne un vrai visage et fait parler celui par qui tout est arrivé, à savoir Napoléon III lui-même.

Tout compte fait, c'est un portrait étonnamment indulgent pour l'homme politique, présenté comme l'instrument, le pantin en quelque sorte de ceux qui tirent effectivement les ficelles et sont les vrais cyniques. (Est-ce différent aujourd'hui ? Quel financier n'est pas marionnettiste détenteur en ses mains des ficelles de quelques pantins politiques ?)

Rougon est donc sujet aux éloges infondés comme aux trahisons iniques. le personnage de Delestang me rappelle des politiciens à la Jospin (voire même un certain président normal élu plus récemment), poussés au pouvoir parce qu'ils n'effraient personne et qu'on peut les manoeuvrer facilement.

Eugène Rougon, lui, ferait davantage penser à un politicien à la Sarkozy, mis au purgatoire lors de la première élection de Chirac, puis ressorti comme l'homme providentiel au ministère de l'intérieur après les émeutes de 2005.

Le personnage de Rougon est présenté, somme toute, comme quelqu'un d'assez probe mais contraint d'honorer des dettes morales envers ceux qui lui ont déroulé le tapis rouge et ainsi de se renier, à la manière d'un certain président qui fit campagne sur les plates bandes de l'extrême droite puis, une fois élu, fit des ronds de jambe à la gauche tout en octroyant de beaux cadeaux fiscaux à ses amis grands patrons... Comme quoi la morale de ce roman pourrait être : SE RENIER POUR RÉGNER.

En conclusion, un roman pas forcément captivant mais pour le moins intéressant et qui cadre pleinement avec l'un des objectifs du cycle, à savoir, tracer une sorte d'historiographie de cette période-clé de l'histoire de notre pays. À noter, les commentaires d'Henri Mitterand pour l'édition Folio me semblent réellement excellents, mais ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Encore une fois Zola décrit avec brio cette société en quête de pouvoir.

Les rouages et les malversations qui poussent un homme à vouloir conquérir à tout pris du pouvoir. Parce que Pour Eugène Rougon c'est ce qui lui importe de détenir le pouvoir entre ses mains.
Mais bien souvent on n'y arrive pas seul. Alors les proches de cet homme influent font tout pour qu'il garde son pouvoir en échange de petites choses... jusqu'au moment ou il n'a plus d'utilité.

Zola marque encore une fois le luxe dans ce roman, il le décrit avec de nombreux détails. Je pense qu'il anticipe ses futurs romans en montrant ce faste comme il le fait.
J'aime toujours bien évidemment le cynisme de l'auteur. Cette façon d'écrire parfois brusque, poétique ou les deux à la fois.

Je me suis régalée, une fois de plus avec ce roman.
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Un peu moins d'enthousiasme pour cet opus de la saga, qui se déroule à Paris, et relate la carrière politique du fils de Félicité et Pierre, Eugène Rougon, habile orateur et politicien dans l'âme.

Sur le modèle d'Eugène Rocher, Rougon est le bras droit de Napoléon lll, son homme de confiance dans ce gouvernement autoritaire et répressif.

Le personnage est assez peu sympathique, même s'il semble honnête. Sa vie privée n'a rien de passionnant, d'autant qu'il repousse les avances de Clorinde Balbi, une intrigante qui sait mener ses affaires, et il n'apparaît même pas comme un homme avide de pouvoir, derrière ses allures débonnaires. Et pourtant…

Autour de lui naviguent une foule de profiteurs, d'arrivistes, de pique-assiettes en tout genre, prêts à le désavouer si la fortune semble changer de camp.


Intrigues de cour, trahisons, amitiés intéressées, manipulations au sein d'une cour impériale qui vit dans le faste (on en veut pour preuve les festivités qui entourant le baptême du fils de l'empereur), le contraste est grand avec d'autres romans de la série, qui se penchent sur le sort des plus déshérités.

Pas passionnant.
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Après deux escales en province qui n'ont pas été de tout repos, retour à Paris ou nous allons pénétrer dans les hautes sphères de la vie politique du Second Empire. Ce sixième volume des Rougon-Macquart met en pleine lumière un des personnages les plus énigmatiques de la saga : Eugène Rougon.

Vous vous souvenez sûrement la manière dont Pierre et Félicité Rougon ont soumis politiquement Plassans dans La Fortune des Rougon, des arnaques à l'Etat d'Aristide dans La Curée, de l'abbé Faujas qui a retourné Plassans dans la Conquête de Plassans ; c'est grâce à qui? A Eugène pardi!
Homme que l'Empire a fait, dont l'influence grandissante est palpable dans les précédents tomes de la série, nous le retrouvons ici en pleine disgrâce, s'étant trouvé obligé de donner sa démission de la présidence du Conseil d'Etat. Si le principal intéressé vit relativement bien sa mise à l'écart du monde politique, sa bande d'amis ne voit pas la chute du "grand homme" d'un bon oeil. Tous plus opportunistes les uns que les autres, ils voient en Eugène une manière d'obtenir toutes sortes de passe droits facilement.
Parallèlement, Eugène entretient une relation ambiguë avec Clorinde Balbi, une italienne extravagante et intrigante. Entre eux, l'ambiance est explosive et les rapports sont en dent de scie, Rougon va donc marier la jeune femme, avec Delestang haut fonctionnaire et béni oui-oui de service, après avoir refusé de l'épouser . Vexée, Clorinde va néanmoins entraîner toute la bande dans un travail d'influence phénoménal afin de ramener Eugène sur le devant de la scène politique. Mais c'est sous-estimer la fougueuse italienne que de la penser acquise, car blessée dans son orgueil, jouant sur plusieurs tableaux, elle est bien décidée à se venger...

Malgré le manque cruel d'action du roman, cette lecture est un régal!
Cette immersion dans les coulisses du monde politique est jouissive au plus haut point. Quand il s'agit de faire un portrait du milieu ou gravitent le plus de requins, Zola ne fait pas dans la dentelle et nous démontre avec hargne que c'est le premier qui bande qui en...e l'autre dans la course au pouvoir. Arrangements avec le ciel, malversations, piston à tout va et trahisons sont au programme de ce roman incroyablement moderne. Les époques ont passé mais les codes restent les mêmes dans cette jungle sans foi ni loi dépourvue d'humanité, ou les gens se retournent comme des crêpes quand ils ont obtenu ce qu'ils veulent. D'habitude, tout ce qui a trait à la politique a tendance à me barber, mais là l'intrigue m'a tenue en haleine jusqu'à la fin. Je ne cache pas que j'aurai bien aimé qu'il arrive une tuile à ce cher Eugène, histoire de clore le roman en beauté mais ce foutu colosse a le don de renaître de ses cendres donc je m'arme de patience, ces arrivistes de Rougon vont bien finir par tomber un jour. Ce volume de la saga est aussi bon que ses prédécesseurs, le tout est admirablement construit et l'histoire prenante. Si comme moi, vous êtes devenus accrocs aux Rougon-Macquart, vous ne pourrez qu'aimer.
A lire et à découvrir!
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Il s'agit ici du pouvoir de l'homme, dans deux registres : l'animal politique et la vie privée. Ce qui intéresse Rougon, c'est le pouvoir pour le pouvoir, pour dominer les autres ; la conquête de ce pouvoir est intéressante, il connait tous les rouages pour y arriver, mais seule la jouissance de l'exercer a des limites : que se passe-t-il ensuite ?

Dans ce volume, Eugène Rougon arrive enfin en chair et en os ; jusqu'ici, il était présent, en filigrane, il tirait les ficelles à distance, et on avait envie de faire enfin sa connaissance.

Le roman étudie une période bien précise, de 1856 à 1861, inaugurée par les festivités nationales pour le baptême du petit prince, futur héritier présumé. Il y a beaucoup de mesures impopulaires. Son Excellence Eugène Rougon, au fait de sa gloire, décide de démissionner de ses fonctions, laissant la place à son ennemi juré : Monsieur de Marsy.

Il prétend être fatigué du pouvoir, et vouloir désormais créer un domaine dans les Landes, ne parlant plus que de cela avec ses amis, parasites intéressés par les miettes que le pouvoir de Rougon peut leur accorder : une ligne de chemin de fer pour l'un, une récupération d'héritage pour l'autre… Pour eux il est indispensable que Rougon revienne au pouvoir…

Dans la belle mécanique, de reconquête, une femme va jouer un rôle important : Clorinde Balbi, séductrice, elle apprend auprès de Rougon, se conduit en humble disciple, mais il l'a jadis repoussée, car les femmes ne l'intéressent pas, il n'en a pas une opinion extraordinaire, et il trouve leur intelligence limitée et se méfie du côté manipulateur de certaines… on se souvient de sa mère Félicité dans les volumes précédents.

Seulement Eugène Rougon se méfie des femmes qu'il ne tient pas en très haute estime, et pour être sûr de ne pas céder à la tentation, il repousse celle qu'il appelle mademoiselle Machiavel et lui fait épouser Delestang un jeune homme plein d'ambition et dont la langue est pleine de cirage à force de lécher les bottes. Et que va faire l'élève éconduite qui voulait l'épouser, sinon utiliser les mêmes méthodes que lui.

« Il disait d'ordinaire, d'un air convaincu, que « ce diable de Delestang irait loin » et il le poussait, se l'attachait par la reconnaissance, l'utilisait comme un meuble dans lequel il enfermait tout ce qu'il ne pouvait garder sur lui. » P 38

Alors que « la Curée » évoquait la spéculation immobilière, dans laquelle son frère était comme un poisson dans l'eau ; ce roman est basé sur une autre forme de spéculation : la spéculation politique.

Zola développe une fois de plus ses théories, peaufinant son étude de la jouissance par le pouvoir, avec un héros qui s'estime d'une intelligence supérieure, (il admire son intelligence comme Narcisse admirait son reflet !) ; de ce fait, tout le reste est secondaire, il n'a pas d'autre jouissance : les plaisirs de la table, de l'argent ou du sexe sont quasi inexistants, tant la joie du pouvoir prend de la place. Eugène Rougon, c'est l'amour du pouvoir et aussi l'ambition qui permet d'y accéder.

« C'était son idéal, avoir un fouet et commander, être supérieur, plus intelligent et plus fort. » P 45

Eugène a aussi une théorie, il pense qu'il n'est rien sans les autres (la bande de parasites qui l'entoure) et que les autres ne sont rien sans lui, ce qui n'est pas sans risque …

Les parasites, comme je les appelle, sont épouvantables; ils le flattent pour qu'il revienne sur le devant de la scène, et obtenir ce qu'ils veulent et quand ils l'ont obtenu, se mettent à le dénigrer, à dire qu'ils ne lui doivent rien, car le vent a tourné et ils préfèrent se tourner vers un petit jeune dont ils espèrent obtenir encore plus :

« Croyant avoir usé Rougon à satisfaire leurs premiers rêves, ils attendaient l'avènement de quelque pouvoir jeune, qui contenterait leurs rêves nouveaux, extraordinairement multipliés et élargis. » P 328

C'est une belle analyse du pouvoir, de la politique (Zola pourrait écrire la même chose aujourd'hui !), de l'Empire avec ses dépenses, la spéculation, les élections plus ou moins truquées, le désir de régner sans partage, en annulant toutes les libertés. L'auteur voulait probablement prouver aussi, que l'Empire n'a pas eu un véritable homme d'État… L'empereur n'est pas présenté comme un personnage de caractère, il est même assez terne dans ce roman.

Tout est prédéterminé pour Zola, tout relève de la génétique, il ne laisse aucune chance d'évoluer à ses personnages, et à force cela devient pesant, on espère qu'Eugène aura tiré les leçons… certes, le phénix renaît de ses cendres, comme tout animal politique, il sent d'où vient le vent et quand il faut changer de cap, notamment à propos de la répression et de l'atteinte aux libertés mais in aimerait qu'il arrive à sortir de son schéma, sinon on risque de sombrer dans l'ennui !

J'ai bien aimé ce roman que j'ai dévoré même si la bande de parasites a fini par m'horripiler. Zola laisse la porte ouverte comme si c'était au lecteur de tirer les conclusions : on espère que Rougon va enfin retenir quelque chose de ses erreurs. Ce roman m'inspire et je pourrais en parler durant des heures, alors il est préférable que je vous laisse le découvrir ou le relire…

Challenge XIXe siècle
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Son excellence Eugène Rougon est le sixième opus de l'oeuvre des Rougon-Macquart. J'ai retrouvé ici avec plaisir le talent de Zola, son écriture ciselée, acerbe pour dénoncer le cynisme et la cruauté de la société du Second Empire.
Pour celles et ceux qui suivent comme moi la chronologie des différents ouvrages de cette saga, rappelons un peu qui est Eugène Rougon, d'où il vient. Il est le fils aîné de Pierre et Félicité Rougon dont nous avions fait la connaissance dès le premier opus, La Fortune des Rougon, son ascension politique y était décrite indirectement : depuis Paris, il avait permis à ses parents de s'emparer du devant de la scène politique à Plassans, sa ville natale. Plus tard, nous avions rencontré dans le roman La Curée, son frère Aristide Saccard ; avec toujours la même fibre familiale, il avait aidé celui-ci à s'enrichir par la spéculation immobilière à Paris. Enfin, c'est encore lui qui tirait les ficelles dans La conquête de Plassans, s'assurant que Plassans repasse politiquement du côté du pouvoir en place... Bref ! C'est un brave homme très attentionné.
Ce roman étudie une période bien précise, de 1856 à 1861.
Ici, Eugène Rougon sort enfin de l'ombre.
Mais étonnamment, sur une large partie de ce premier chapitre il demeure encore invisible, presque décrit comme un héros qui se fait attendre, le personnage d'une pièce de théâtre qu'on espère voir entrer en scène au plus vite, son nom est déjà là, murmuré par tous, son nom précède son arrivée, son nom évoque déjà sa disgrâce à venir alors qu'il préside encore au Conseil d'État.
Le rideau s'ouvre sur une séance à la chambre des députés, qui ressemble davantage à la scène d'une comédie, tant les personnages sont croquignolesques.
Eugène Rougon s'apprête à tomber en disgrâce, mais déjà il est armé pour retomber sur ses pieds comme un chat agile, déjà prêt à rebondir.
Son excellence Eugène Rougon, c'est le roman politique par excellence de la série des Rougon-Macquart. Ce n'est pas mon préféré, mais je l'ai lu sans déplaisir. Je vous avouerai même qu'à certains endroits il m'a étonné tant le trait est parfois féroce, présentant les personnages de ce récit sous des aspects bien peu reluisants.
Et puis nous apprenons beaucoup sur le corps politique sous le Second Empire.
La politique ? Ah oui parlons-en justement. Ici on s'aperçoit très vite que l'intérêt général n'est de loin pas toujours celui qui prévaut. Mais je vous rassure, tout ceci se passe bien sous le Second Empire et non de nos jours... Ouf !
Ici les personnages masculins ont bien des noms d'hommes politiques : Monsieur Béjuin, Monsieur Kahn, Monsieur la Rouquette, Monsieur Delestang, Monsieur du Poizat...
Zola nous fait entrer dans l'arrière-boutique du pouvoir ; de l'hémicycle aux coulisses, des coulisses aux alcôves, il n'y a guère qu'un saut de puce et il ne faut pas sous-estimer l'importance de ces endroits où se faisaient et se défaisaient les gloires ayant porté au pinacle ce Second Empire devenu parfois ingrat.
On pourrait en rire si ce n'est que le Second Empire, c'est aussi le régime de la répression, l'un des pires régimes, sinon le pire, postérieur à la révolution française, celui qui envoie ceux qui sont suspectés d'être républicains au mieux en déportation vers les colonies.
Eugène Rougon, voilà un homme qui comprend les subtilités de l'amitié, qui sait s'entourer à bon escient ! Sa bande d'amis, c'est une véritable cour autour de lui. Selon Eugène Rougon il y a trois sortes d'amis, ceux pour lesquels vous éprouvez une véritable affection, ceux que vous craignez et ceux qui vous insupportent, Eugène Rougon est conscient que les trois catégories peuvent vous être utiles à un moment ou un autre.
Ce sont parfois de petits arrangements entre amis.
Je pense ainsi au tracé improbable d'une ligne de chemin de fer afin qu'elle passe enfin le long des hauts fourneaux dont l'actionnaire principal n'est autre qu'un député, ami d'Eugène Rougon.
Eugène Rougon est-il conscient que les amis d'aujourd'hui, selon sa définition de l'amitié, peuvent être les ennemis de demain... ?
Les trahisons existent aussi chez les amis, surtout dans la définition de l'amitié que nous donne Eugène Rougon.
Une célèbre citation De Voltaire pourrait être le leitmotiv de ce roman : « Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge ! »
Eugène Rougon, c'est un colosse, un phénix qui renaît de ses cendres, un animal politique comme on le dit aujourd'hui, on le disait peut-être d'ailleurs déjà ainsi à l'époque. Il a cet appétit du pouvoir dans le sang, c'est d'ailleurs un trait héréditaire chez les Rougon.
Eugène Rougon va travailler pour son retour en grâce.
Je pense à l'époque actuelle. Zola serait-il à ce point visionnaire ? À moins que les pratiques politiques n'aient guère changé depuis lors...
Et puis, un soleil sur une peau de porcelaine, un rire innocent, des gestes... et voilà le solide Eugène Rougon troublé en la présence d'une certaine Clorinde Balbi, belle Italienne excentrique et aventurière. Eugène Rougon l'a connue toute jeune, novice, ardente déjà aux choses de la politique. Elle a de l'audace. Il lui enseigne l'art de la politique, car c'est un art pour Eugène Rougon... Il la désire pour son corps, elle le repousse sauvagement mais elle le veut comme époux. Il refuse cette idée. Rancunière, elle ne lui pardonnera jamais.
Émile Zola démythifie ici la politique du Second Empire en montrant les ambitions forcenées, la jouissance des puissants dans l'exercice de leur domination, et le vide des idées.
C'est avec cette précision et férocité que Zola veut dénoncer ici le cynisme et la cruauté de la société du Second Empire.
Ici j'ai trouvé l'Empereur bien terne à côté de la fougue de certains personnages, à commencer par Eugène Rougon ou Clorinde Balbi... Ces deux-là sont faits pour s'entendre ou bien ferrailler.
Je pense que l'intérêt du roman vaut aussi par le chassé-croisé entre Eugène Rougon et Clorinde Balbi... Leur jeu ambigu mêlé de désir, d'ambition et de jalousie, qui s'étale sur plusieurs années, est sans aucun doute l'un des fils conducteurs du roman, cette relation d'apprentissage entre Eugène Rougon et Clorinde Balbi, l'élève surpassera le professeur mais elle demeurera toujours admirative de la puissance politique du maître...
Mais oui, nous sommes bien ici sous le Second Empire, pas d'inquiétude alors...
Je referme ce livre et déjà je vois depuis ma bibliothèque le septième tome de la série des Rougon-Macquart qui m'attend, L'Assommoir. Hâte d'y venir !
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C'est le tome de l'élitisme des Rougons Macquart que celui consacré à Eugène Rougon. Et c'est bien normal puisqu'on descend ici sur la branche prinipale de la famille, le fils aîné du fils aîné et pas une des déviations Macquart ou Mouret. La route de l'ambition, caractéristique principale de cette partie de la famille, est donc toute tracé pour le rejeton le plus doué. Nous nous élèverons donc jusqu'à l'Empereur, preuve que Zola ne s'intéresse pas qu'aux bas-fonds.

Évidemment, l'auteur porte un regard très sévère sur ce monde. Il le décrit d'abord principalement à l'aide de grands tableaux qui semblent réellement des retranscriptions écrites d'oeuvres picturales. Il y a successivement la scène de l'Assemblée, la scène du cabinet de travail, la scène du boudoir avec les différents personnages réunis autour de la Muse qui pose, la scène du cortège impérial avec le public étalé sur les bords de Seine. Alors que certaines scènes de la saga semblent cinématographiques, j'ai eu une impression de tableau figé ici, sans doute dû au fait que les personnages abordés sont guindés, coincés pour la plupart dans leurs rôle, l'incarnation de fonctions plus que des personnalités (le colonel, le préfet, le député...). Même les domestiques sont figés dans leur rôle respectif (Antonia la femme de chambre délurée, Firminio le majordome). Seuls peut-être deux personnages montrent une vraie liberté par rapport aux autres: Clorinde qui va jouer de sa séduction pour plier les évènements à sa volonté, et Gilquin, ami terrible de Rougon qu'il utilise régulièrement mais qu'on ne peut empêcher de crier Vive la République même le long du cortège impérial.

Le portrait le plus terrible est évidemment celui de l'entourage de l'homme politique, parasites cherchant toujours à obtenir plus de faveur et qui font et défont la carrière de celui qu'ils entourent. Les hauts et les bas de Rougon sont toujours fonction de cette cohorte finalement malveillante, même si elle lui permet d'abord d'accéder aux plus hautes fonctions. Malgré son caractère bien trempé, son goût du pouvoir et ses convictions, il apparait finalement beaucoup plus comme un pantin que comme un marionnettiste. La charge contre la politique est surtout aussi celle de la futilité et du peu de consistance des opinions, avec une scène finale magistrale qui retourne dans l'Assemblée originale, avec un discours terriblement significatif de Rougon. Ce qui m'aura le plus marqué dans cette fin est la course de la Rouquette pour aller récupérer les retardataires dans les couloirs de l'Assemblée et son passage par la bibliothèque, où il ne trouve rien que la poussière car personne ne s'y rend jamais. Un terrible constat de Zola sur les politiques de son époque qui donne envie d'aller visiter encore aujourd'hui la bibliothèque de l'Assemblée et de vérifier la poussière sur les bureaux et les étagères...
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♬ Non, non, rien n'a changé, tout, tout a continué... ♬
Eh oui, l'humanité est désespérante, rien ne changera jamais.
Ce sixième tome des Rougon-Macquart est celui du pouvoir et de la politique.
Le pouvoir : comment y accéder, comment s'y maintenir, comment l'utiliser, comment on s'en fait éjecter et comment on y retourne.
Eugène Rougon est fascinant. Imposant, dans tous les sens du terme. Dès qu'il apparaît, il impressionne. Par son physique, par sa voix, par sa façon d'être et de se tenir, par les expressions de son visage, par ses paroles.
Zola n'a pas lésiné.
Il a fabriqué un terrible personnage. Dès le début du livre, il lui fait prendre toute la place, même s'il n'est pas encore présent physiquement. Même en faisant abstraction du titre, le lecteur ne peut avoir aucun doute : le personnage principal, c'est lui ; tout gravite autour de lui. D'emblée, il écrase tout.
Absent, il est l'objet de toutes les inquiétudes : "Est-ce que vous avez vu Rougon, ce matin ?" "Vous n'avez pas vu Rougon ?" et le lecteur attend avec impatience son apparition.
Apparition qui ne va pas le décevoir : Rougon est "énorme, insolent, le cou gonflé, la face crevant de force".
Quel talent !
Je parle ici de Zola... mais Rougon n'en manque pas non plus ! Force de la nature, intelligent en diable, c'est un animal politique, et même si tout ce qui est montré dans le roman n'est pas joli-joli, on prend un plaisir fou à suivre les intrigues.
Rougon est entouré d'une "cour" qui le flatte et ne cherche qu'à profiter de lui, à bénéficier d'avantages, grands ou petits qu'il peut leur procurer. Des parasites sans morale et sans amour-propre qui ne reculent devant aucune bassesse pour quémander.
J'ai toujours pensé que les gens de pouvoir n'étaient pas enviables, car comment savoir à leur place, si une amitié est sincère ? Comment être sûr de n'être apprécié que pour soi-même et non pour ce qu'on peut apporter ?
Zola me conforte dans cette idée : « M. Béjuin resta seul devant la cheminée. Il roula son fauteuil, s'installa au milieu, sans paraître s'apercevoir que la pièce se vidait. Il demeurait toujours le dernier, attendait encore quand les autres n'étaient plus là, dans l'espoir de se faire offrir quelque part oubliée. » Un chien qui mendie des restes sous la table n'a pas moins de dignité !
Zola nous emmène derrière le rideau et nous montre la partie cachée du jeu politique : cynisme, cupidité, avidité, égoïsme, hypocrisie, mensonges, manoeuvres en tout genre. C'est laid, très laid... et c'est terriblement actuel !
Vous critiquez l'absentéisme des parlementaires ? Vous leur reprochez de dormir à moitié lorsqu'ils sont présents ?
Zola l'a déjà fait :
« Il n'y avait pas cent députés présents. Les uns se renversaient à demi sur les banquettes de velours rouge, les yeux vagues, sommeillant déjà. D'autres, pliés au bord de leurs pupitres comme sous l'ennui de cette corvée d'une séance publique, battaient doucement l'acajou du bout de leurs doigts. » ou encore « le président mettait aux voix un défilé interminable de projets de loi, que l'on votait par assis et levé. Les députés, machinalement, se levaient, se rasseyaient, sans cesser de causer, sans même cesser de dormir. »
Vous pestez contre les politiciens qui arrivent toujours, même en cas de défaite, à se recaser ? Et de préférence dans des places dans lesquelles ils sont grassement payés à ne pas faire grand-chose ?
Zola l'a déjà fait :
« Delestang baissa le nez. Toujours il se trouvait embarqué dans quelque passion scabreuse. En 1851, il avait même failli compromettre son avenir politique ; il adorait alors la femme d'un député socialiste, et le plus souvent, pour plaire au mari, il votait avec l'opposition, contre l'Élysée. Aussi, au 2 Décembre, reçut-il un véritable coup de massue. Il s'enferma pendant deux jours, perdu, fini, anéanti, tremblant qu'on ne vînt l'arrêter d'une minute à l'autre. Rougon avait dû le tirer de ce mauvais pas, en le décidant à ne point se présenter aux élections, et en le menant à l'Élysée, où il pêcha pour lui une place de conseiller d'État. »
Vous dénoncez l'absence d'objectivité des médias ?
Zola l'a déjà fait :
« Quant à la presse, elle est déjà trop libre. Où en serions-nous, si le premier venu pouvait écrire ce qu'il pense ? » et « Rougon eut un geste terrible. « Oui, oui, on m'a déjà signalé ce numéro, dit-il. Vous devez voir que j'ai marqué les passages au crayon rouge… Un journal qui est à nous, pourtant ! Tous les jours, je suis obligé de l'éplucher ligne par ligne. Ah ! le meilleur ne vaut rien, il faudrait leur couper le cou à tous ! » Il ajouta plus bas, en pinçant les lèvres : « J'ai envoyé chercher le directeur. Je l'attends. »
Bref, ne cherchez pas plus loin : tout ce que vous pouvez reprocher à nos politiciens actuels, Zola le dénonce dans ce livre, et avec brio.
Ce volume n'est pas le plus romanesque du cycle, mais il est très instructif. La trame narrative n'a rien d'exceptionnel, mais à travers divers tableaux, Zola nous dépeint la politique sous le second empire. Il nous emmène dans les coulisses du pouvoir.
Et l'on s'aperçoit que rien ou presque n'a changé. Le monde politique et celui des affaires sont intimement liés. Des cercles d'influence tirent les ficelles. Les politiciens sont prêts à tout pour accéder au pouvoir puis pour y rester, suivis par des meutes de profiteurs sans scrupules qui, tels des girouettes, sont prêts à changer de "poulain" dès que le vent tourne.
Les contemporains de Zola se comportaient comme se comportent les hommes de maintenant. C'est amusant... ou désespérant !
On peut même s'amuser à établir des correspondances entre des personnages du roman et des politiciens actuels !
Par exemple, il peut arriver que des gens influents fassent nommer un homme falot à un poste clé, afin de pouvoir le manipuler :
« Ils s'aplatissaient devant le plus sot de la bande, ils s'admiraient en lui. Ce maître-là, au moins, serait docile et ne les compromettrait pas. Ils pouvaient impunément le prendre pour dieu, sans craindre sa foudre. »
Allez, ne me dites pas que vous n'avez pas de nom en tête !
Une fois de plus, Zola nous offre un roman intemporel : en changeant très peu de choses comme les décors et les vêtements, on pourrait le croire fraîchement écrit.
Après ma grosse déception du cinquième volume (La faute de l'abbé Mouret), ce sixième opus me redonne l'envie de poursuivre ma lecture des Rougon-Macquart.
En route pour l'Assommoir !
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Ainsi s'achève mon voyage dans l'univers impitoyable des Rougon-Macquart. Commencée adolescente, cette saga qui compte vingt romans m'aura accompagnée pendant plus de vingt ans, érigeant son auteur au sommet de mes affections littéraires.

"Son Excellence Eugène Rougon" est le tome de la politique et plus largement du pouvoir, ce bien que les hommes recherchent et s'arrachent depuis la nuit des temps. Une quête bien faite pour dévoiler les appétits et les moyens, souvent vicieux et malsains, mis en oeuvre pour les assouvir.

C'est un tome très coloré, très parisien également, à l'instant de "La Curée" et de "L'Argent". Au fil de ma lecture, je me suis attachée à Eugène Rougon, un personnage à la fois fragile et charismatique. Et comme souvent chez Zola, lorsqu'il y a manigances et ambitions... "cherchez la femme" ! La figure de Clorinde Balbi est très vivante et laisse une trace moite et parfumée dans la mémoire du lecteur.

Zola décrit avec beaucoup d'honnêteté le clientélisme, moins pour le dénoncer, semble-t-il, que pour replacer l'homme dans sa vraie nature, face à son éternel et insatiable besoin d'arriver et de tirer égoïstement son épingle du jeu. Derrière le gouvernement impérial transparaissent ainsi les sphères d'influence, les cercles mondains qui tiennent en laisse l'économie et la politique, les pressions qui pèsent sur les libertés, notamment sur celle de la presse, enfin les aspirations et les ambitions d'un petit nombre d'individus au détriment du bien public.

Un tome fort, bien rythmé, dynamique et dont le seul défaut est peut-être de posséder une galerie de personnages un peu trop large, au point qu'il est parfois malaisé de retrouver ses petits.

En tout cas, Monsieur Zola, à l'issue de la lecture de votre grande oeuvre, je vous remercie et je vous tire mon chapeau !


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« Vous êtes tout de même d'une jolie force, vous » dit à Rougon à l'aube d'un de ces énièmes retours en grâce, la belle et intrigante Clorinde.
Gageons que ces deux-là se disputent encore en enfer la primauté de la rouerie et de la puissance, tant ces deux impressionnantes figures sont archétypales des luttes sournoises, sales et magistrales au sommet des pouvoirs !

J'ai dévoré ce 6ème opus des Rougon Macquart qui nous porte au coeur de la machine politique de l'empire autour des revirements de fortune d'Eugène Rougon, poussé à la démission du Conseil d'Etat, remis en selle par une « bande » motivée par les prébendes qu'elle entend tirer de son retour aux affaires, puis de nouveau mis à bas d'un fauteuil de ministre pour en retrouver un autre quelques années plus tard.

Je me suis surprise à éprouver une certaine fascination pour cet insubmersible phoenix, puissant jusque dans son ossature de colosse, porté par la seule force brute de l'envie de domination, d'une moralité repoussante mais pourtant bien en phase avec son milieu : abject parmi les abjections des courtisans, intrigants et quémandeurs de tout poil, manoeuvré par Clorinde, une femme dont il n'a pas su évaluer qu'elle put avoir plus de force que lui, et autant puissant que faible face à ceux-là même qui dépendent de lui mais dont il tire son pouvoir.

Comme dans « la Curée », les parallèles avec l'époque actuelle ne manquent pas dans cette intemporelle étude de moeurs du pouvoir, et ce n'est pas le moins plaisant dans cette lecture que de piocher dans la classe politique récente des masques à coller sur les protagonistes de l'histoire ; Rougon à lui seul en mérite un joli paquet !
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