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Critique de clairejeanne


" Elle s'appelle Yamna. Elle est l'arrière-arrière-petite fille de Noé, elle dit bien Noé, parce qu'il ne faut pas confondre avec Adam, celui-là, c'est l'ancêtre de son mari... Elle est venue au monde l'année où un gros morceau de ciel s'était détaché pour foncer tout droit sur son village." (p 111)

Voilà qui débute la deuxième partie du récit. Dans la première partie, comme la narratrice pendant très longtemps, nous n'avons pas appris grand chose sur cette mère extrêmement pudique, qui n'a jamais montré ne serait-ce que ses cheveux à ses enfants et ne leur a absolument jamais raconté quoique ce soit de sa vie.
Une femme qu'il faut donc ré-inventer si on veut la raconter, une femme fière, autoritaire et courageuse, qui ne s'asseyait jamais, qui ne dormait jamais, qui n'embrassait jamais... Mais une femme qui a rempli la jeunesse de ses huit enfants de contes et de légendes et qui ouvrait la porte à l'étrange en croyant aux êtres invisibles.

A quatre-vingt douze ans, diabétique et aveugle, elle qui a dû quitter son sol pour les soins offerts par la capitale, lâche prise...

Pour l'heure, quand la narratrice arrive à Tunis - elle a fait sa vie en France - la mère est dans le coma, un corps sur un lit d'hôpital... ce n'est plus vraiment elle. Cette femme inconsciente, faut-il lui parler ou au contraire parler d'elle pour la maintenir en vie se demande celle qui écrit le récit.
Elle retrouve toute sa fratrie, une famille de huit enfants dont les deux filles aînées ont été élevées à l'ancienne : enfermées jeunes dans la maison sans autorisation de sortir, analphabètes, adolescentes tournant en rond dans l'attente de celui qui viendra demander leur main... Les deux autres filles et les garçons bien sûr ont pu faire des études et gagner leur liberté.

Alors qu'elle passe une dernière nuit dans l'appartement de sa mère, Naïma, la servante, lui fera part de tout ce que sa maîtresse lui a raconté depuis tant d'années qu'elle est à son service : l'histoire de ses ancêtres, les traditions de la tribu, la réputation de sa mère au village, l'amour entre les époux... une existence inconnue dont la clé appartenait à la bonne et qu'elle est maintenant prête à livrer.
A toute heure du jour ou de la nuit, la mère disait : " Écoute donc ! Toi qui es mes yeux des derniers jours et le témoin de mon exil. Je te fais don de mes récits comme j'ai toujours donné aux pauvres et aux malheureux. Et parce que tu as vu et soigné mon corps, tu es devenue mon ayant-droit et mon héritière. Il était une fois ma vraie vie." (p 107)

C'est l'occasion aussi pour l'auteure de raconter des histoires à la "Mille et une nuit" dans lesquelles une ancêtre acculée par un homme amoureux se transforma en hirondelle, des ânes sont volés, repeints la nuit pour être revendus, et une ville naît à l'endroit où des oiseaux prennent soin d'un voyageur ; cette Tunisie, entre traditions et modernité, au moment de la révolution de janvier 2011, se livre à nous à travers ce récit de la vie d'une femme qui n'existait que dans les rites et les coutumes de son village d'Ebba.
Récit poétique et inspiré, c'est un bel hommage d'une fille "actuelle" à une mère quasiment inconnue.

La Présentation du livre, rédigée par Boualem Sansal commence ainsi : " Fawzia Zouari nous livre un récit familial extraordinaire, shakespearien dans sa trame, son ampleur et son style, dont on ne sort pas indemne." Car en effet, qui ne se posera pas les mêmes questions sur la vie de sa mère ? Les gens les plus proches de nous sont souvent ceux que nous connaissons le moins...



Lien : https://www.les2bouquineuses..
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