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Critique de MarcusMauss


Vous faites une recherche sur Google ou vous envoyez un message sur Facebook? Ce ne sont pas seulement les mots de la recherche ou du message que ces deux géants de l'information retiennent. C'est surtout le reste : l'heure de la recherche, votre adresse IP, les fautes d'orthographe, combien de messages vous avez envoyés par heure, combien de temps s'est écoulé depuis votre dernière recherche, etcaetera . Et c'est avec ce 'surplus de comportement', comme l'appelle Shoshana Zuboff, que les capitalistes de surveillance se nourrissent. Bien nourris ils pourront prévoir ce que vous allez faire avant même que vous y ayez pensé .
Ce livre se lit comme une dystopie, mais l'horreur c'est qu'il s'agit d'aujourd'hui. La thèse de Zuboff est qu'après les attentats du 11 septembre 2001 l'équilibre entre les entreprises informatiques(Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft, mais pas qu'elles) les usagers et l'état s'est complètement perdu, en tous cas aux États-Unis. L'état a fait appel aux GAFAM pour aider à attraper les terroristes, et les GAFAM en ont profité pour utiliser leur techniques de surveillance sur tout le monde. Ce fut la fin d'un internet libre.
Zuboff s'appuie sur des sources très diverses: multiples études sur l'addiction des services réseaux parmi le millennials (mais pas qu'eux), interviews des dirigeants des entreprises concernées, expliquant comment ils font pour prévoir ce que vous allez manger ce soir. En affirmant que tout le monde y gagne ainsi. Ce qui fait froid dans le dos c'est sa description de l'oeuvre du psychologue américain des années 1970, BF Skinner, qu'on pourrait qualifier de Pavlov puissance 10. Skinner rêvait d'une société totalement contrôlée. Il considérait l'imprévisibilité humaine comme une abérration, contre laquelle il fallait lutter avec toutes les forces disponibles. Ces forces sont aujourd'hui presque sans limites, selon Zuboff. Et en plus elles sont quasiment invisibles.

Zuboff insiste sur la différence entre le capitalisme de surveillance et le capitalisme industriel du début du vingtième siècle. Même si ce dernier a fini par tourmenter la planète sur le plan écologique il avait intérêt à être profitable à tous: les ouvriers dans les usines étaient aussi les consommateurs des produits fabriqués. Zuboff voit le capitalisme de surveillance virtuellement en dehors de l'humanité, le Grand Autre(Big Other) : il n'y a pas de consommateurs pour qui on produit, mais seulement des objets dont on utilise le surplus de comportement.
Livre à lire si on aime comprendre un peu mieux le monde digital (mais pas que) dans lequel on vit.
Dommage que Zuboff soit parfois un peu pédante, avec des morceaux de poèmes de WH Auden pour commencer un chapitre et un style qui se veut un tantinet littéraire. Mais son livre est grinçant et il m'a fait beaucoup réfléchir.
Zuboff finît par une note positive, elle suggère qu'il est encore possible de lutter contre la mainmise des capitalistes de surveillance. Pas une conclusion que j'aurais tirée moi-même...
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