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Critique de XS


C'est une chose de le savoir, autre chose de le ressentir aussi fortement : étonnant comme l'univers de nos lectures nous permet de percevoir différents univers, différents points de vue. Encore plus étonnant lorsqu'il ne s'agit pas de lectures romanesques, mais a priori plus rationnelles et factuelles. J'ai lu cette biographie de Marie Stuart par Stefan Zweig après avoir lu celle de Catherine de Russie, d'Hélène Carrère d'Encausse. L'une comme l'autre explicitent des faits historiques et proposent des hypothèses quand le matériel historique manquait. Dans chacune, l'auteur a pris soin d'expliquer son parti pris, ainsi que ceux d'autres historiens différents des leurs ; car l'histoire, comme chacun sait, est plus que sujette à interprétation. Dans chacune, la construction permet de bien comprendre le contexte historique, et c'est peu dire que l'exercice doit être complexe.
Mais combien le vécu de l'auteur, son propre contexte historique et ses qualités intrinsèques peuvent influencer son schéma d'écriture, je ne l'avais que rarement aussi bien perçu. S. Zweig s'envole parfois dans le lyrisme, donnant une coloration très romanesque à cette biographie. Et son écriture s'inscrit très fortement dans son contexte historique(le livre a été publié en 1925): ainsi, à propos du XVIè siècle écrit-il cette phrase qui traduit autant l'époque qu'elle trahit certains préjugés de l'entre deux-guerres : « Pour être roi on assassinait, on empoisonnait son père, son frère, on jetait des millions d'innocents dans une guerre, on tuait, on supprimait sans s'inquiéter du roi ; à cette époque il eût été difficile de trouver une maison régnante qui n'eût pas à son actif de pareils crimes. Pour une couronne, des garçons de quatorze ans épousaient des matrones de cinquante et des fillettes impubères de cacochymes vieillards, on n'attachait guère d'importance à la beauté, à la dignité, à la vertu, à la morale ; on se mariait avec des faibles d'esprit, des estropiés et des paralytiques, des syphilitiques, des infirmes et des criminels […] ».
Lire un livre d'histoire, c'est toujours plonger dans un scénario qui cadrerait parfaitement avec Games of Thrones, et cette biographie ne fait pas exception, avec une telle dimension dramatique ! C'est un aspect que j'ai particulièrement apprécié, dans cette lecture : à la fois admirative du style, du talent de synthèse – la lecture de nombreux documents ont été nécessaire à l'écriture de cette biographie- mais également consciente de ma propre échelle de valeurs qui m'a fait tiquer à plus d'une reprise. Et qui explique les 4 étoiles et demie.
Je termine cette longue critique par une citation, dans laquelle l'auteur fait référence à l'affrontement entre Marie Stuart et Elisabeth d'Angleterre, et qui illustre parfaitement la non neutralité d'un auteur, toujours flagrante quand on ne partage pas son point de vue comme ici…
« Dans le temps, dans l'espace et dans les formes, l'opposition est grandiose : quel dommage que la lutte qu'elle a provoquée ait été d'une si pitoyable mesquinerie ! Malgré leur envergure extraordinaire, ces deux femmes restent toujours des femmes, elles ne peuvent pas surmonter les faiblesses de leur sexe ; la haine qu'elles se portent, au lieu d'être franche, est petite et perfide. Placés dans la même situation, deux hommes, deux rois s'expliqueraient nettement, d'une fois pour toute et, dans l'impossibilité de s'entendre, se prendraient aussitôt à la gorge ; au contraire, la lutte entre Marie Stuart et Elisabeth, c'est une bataille de chattes où l'on rampe et s'épie en rentrant ses griffes, un jeu plein de traîtrise et d'astuce. »
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