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Critique de Bequelune


Ce petit manifeste politique reprend, en les simplifiant, les thèses de l'Appel et de la revue Tiqqun. C'est-à-dire une pensée assez originale, une sorte de renouveau des écrits situationnistes mélé de philosophie façon Heidegger. La prose est très grandiloquente, très sombre aussi, mais ne vous y laissez pas avoir : les idées défendues dans ce livre sont bien plus intéressantes que ce qu'elles peuvent paraître à une lecture trop rapide.

Le bouquin part d'un constat : notre monde est une ruine et tout le monde s'en rend bien compte – même si chacun fait au quotidien comme si de rien n'était. « "Le futur n'a plus d'avenir" est la sagesse d'une époque qui en est arrivée, sous ses airs d'extrême normalité, au niveau de conscience des premiers punks. » Si « le présent est sans issue », c'est d'abord parce que le monde social est fragmenté, jusque dans les sphères les plus intimes, parce qu'il est devenu impossible de parler de « société » ; cela ne signifie plus rien et même les sociologues commencent à abandonner ce concept rendu inopérant. Notre monde est celui de la séparation, de la perte de liens ; nous vivons en étrangers, étranger au monde comme à nous-mêmes.

La thèse principale est là, dans cette idée de pertes de liens, comme quoi nous serions les « enfants de la dépossession finale ». Dépossédés de ce qui nous attachaient aux mondes de la vie quotidienne. Cette dépossession, on la retrouve dans la façon dont nous nous percevons, dans l'idée-même d'« identité » que les auteurs – le « Comité invisible » – s'appliquent à démonter. Ils appellent de leurs voeux une sorte de nouvelle conscience de soi, la fin du « I AM WHAT I AM » pour quelque chose qui se rapprocherait davantage de l'esprit de « commune ». Cette dépossession, il me semble qu'on la comprend particulièrement bien dans leur sixième partie sur « l'environnement ».

La suite du livre est organisée d'une façon un peu originale : à la place de chapitres structurés nous avons des « cercles » numérotés de un à sept, qui s'attaquent chacun à déconstruire une notion à la mode dans les discours, les représentations. Suite à cela, le livre se termine avec une sorte de manuel de l'insurgé.

Une des forces du texte réside dans son refus de voir des ennemis. Ou alors, l'ennemi, c'est davantage une certaine façon d'être au monde, une forme particulière de subjectivité. Personne à pointer du doigt, mais une nouvelle façon d'apprendre à vivre.
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