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Critique de Arimbo


Arimbo
09 décembre 2020

Je suis un peu triste de constater que je suis le premier à écrire une critique sur ce volume de la Pléiade consacré à un des poètes français majeurs du 20ème siècle. Est-il oublié, ce poète chantre de l'amour fou, ce poète engagé et résistant, auteur du celébrissime "liberté", dont des milliers d'exemplaires furent parachutés sur la France occupée?

Eugène Grindel dit Paul Eluard.

Ce volume rassemble sa production de 1913 à 1945 c'est-à-dire un très grand nombre de recueils et au total d'innombrables poèmes d'une grande beauté.
A part quelques poèmes de jeunesse dans lesquels Eluard utilise la rime, très vite son usage disparaît au profit de vers sans aucune rime, respectant soit une métrique régulière, heptasyllabique souvent, ou à dix syllabes, ou plus rarement alexandrins, ou très souvent des vers libres. Dans plusieurs recueils (par exemple dans Capitale de la douleur), on y retrouve aussi quelques poèmes en prose.

Eluard est, avec Breton, le fondateur du mouvement surréaliste, après avoir adhéré au mouvement Dada, qui contenait en germe cette révolution majeure de la poésie. Il est resté fidèle à ce mouvement, à l'inverse de beaucoup d'autres qui prirent leurs distances, voire furent "excommuniés" par le terrible André Breton.
Cependant, son langage s'est dégagé rapidement, me semble-t-il, de l'automatisme et de l'exploration de l'inconscient, marque de fabrique du surréalisme, pour être celui d'un langage fluide, n'utilisant que des mots simples, souvent associés sans lien logique apparent, mais dont les images ou la musique qu'ils portent apparaissent comme des évidences mentales, tels ces vers emblématiques:
"La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas" .

De sa production poétique abondante, je dégagerais trois aspects que je trouve les plus importants.

Tout d'abord, Eluard est, peut-être plus complètement que tout autre, un poète du sentiment et de l'expérience de l'amour, du désir, de l'exaltation, de la tendresse, mais aussi de la détresse, du désespoir, de l'abandon. L'amour source du bonheur et du malheur, de la fusion avec la nature, de la présence au monde. Il y a tant de merveilleux poèmes dans "Mourir de ne pas mourir", "Capitale de la douleur", "L'amour, la poésie", "La vie immédiate", "Les yeux fertiles", etc...

Et puis, c'est le poète de la fraternité, de la révolte contre l'injustice, de la lutte contre l'oppression. Un poète adhérent du parti communiste, et engagé dans la Résistance. Ces poèmes, à partir de 1938, et surtout pendant la seconde guerre mondiale, publiés notamment dans les recueils le livre ouvert, Poésie et vérité,Les sept poèmes d'amour en guerre, Les armes de la douleur, Au rendez-vous Allemand, écrits dans une langue simple et accessible, sont des poèmes de combat, souvent bouleversants. Ils parlent de la lutte contre l'oppression nazie, de la traîtrise des "collabos", de la souffrance du peuple de Paris, de la mort en martyrs des camarades. Mais il y a aussi tous ces poèmes de compassion pour les victimes de la vie, les opprimés, les malades mentaux, les femmes tondues à la Libération dans l'émouvant "Comprenne qui voudra".

Un troisième trait marquant de sa création, ce sont ses liens avec les artistes, quelques poètes, surtout Breton, mais aussi Soupault, Peret, Char, avec lesquels il co-écrira plusieurs textes, mais surtout très nombreux peintres célèbres ou moins célèbres auxquels il consacrera de nombreux poèmes, et qui, pour certains, Picasso, Man Ray, Valentine Hugo, Jean Hugo, etc.., illustreront certains de ses recueils.

On trouve aussi dans ce volume de la Pléiade, plusieurs ouvrages didactiques avec souvent une bonne dose de provocation, où Eluard, seul ou avec André Breton, donne de façon passionnante, sa vision de la création poétique, son analyse de quelques grands poètes, Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont. Il y a notamment Notes sur la poésie, L'évidence poétique, L'avenir de la poésie, le Dictionnaire Abrégé du Surréalisme.
Et enfin, un texte "hors- normes", l'Immaculée Conception, écrit en 15 jours avec André Breton, sur le mode de l'écriture automatique, une sorte de "somme" baroque sur l'épopée de la vie humaine, sur la maladie mentale et la poésie, sur l'amour et sur les vérités éternelles. Un texte qui mériterait à lui seul une critique détaillée.

En conclusion, un livre inépuisable et magique.
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