Le meilleur d’Ellroy est encore à venir. En fait j’ai du mal avec les obsessions d’Hopkins, ce croise contre le mal qui est lui mal proche de ce mal par sa violence, voire un véritable criminel sous prétexte de protéger la société de ce mal. On alterne entre le récit de Duane Rice, un looser prêt à tout pour faire de sa copine une rock star, puis à la récupérer alors qu’elle s’enfonce dans la drogue et l’industrie du porno, qui mine Los Angeles. On a un premier aperçu de cette confrérie de flics d’extrême droite, aux façons peu orthodoxes, et en général les policiers se tirent allègrement dans les pates les uns des autres. Reste la fièvre des divers protagonistes, toujours plus ou moins sous amphétamines, et qui contribue à donner au récit un rythme échevelé. Voilà la fin de la trilogie consacrée à Lloyd Hopkins, le super flic à l’intelligence hors norme, hanté par un ancien crime et en quête de rédemption, flic 24 heures sur 24, quitte à sacrifier sa famille et quelques femmes croisées ici et là. « Il s’était convaincu qu’il voulait protéger l’innocence, alors qu’en réalité, il ne voulait que ramper dans les égouts en quête de l’aventure ; il s’était vendu à lui-même un stock d’illusions sur la juste règle de la loi quand en réalité il voulait se repaître des ténèbres qu’il prétendait mépriser, sa famille et ses femmes, jouant comme tampons de sécurité lorsque le noir commençait à le dévorer », écrit Ellroy. Le meilleur résumé de cette trilogie.

Dans ma relecture progressive des œuvres de James Ellroy, j’avais un peu oublié cette trilogie Lloyd Hopkins qui a lancé l’auteur (Il s'agit du deuxième roman de cette trilogie. Il est précédé de Lune sanglante et suivi par La Colline aux suicidés), et si j’ai un faible pour les livres plus « récents » (le Quatuor de Los Angeles date aussi un peu mais reste magnifique) je suis toujours saisi par cette fièvre qui habite ce super flic. Hopkins toujours tiraillé entre sa femme, qui l’a quitté, et d’autres, comme la prostituée de luxe Linda, aussi belle qu’envoûtante.

Cette fois, le chasseur est chassé, mais il prendra un temps à s’en rendre compte. Qui manipule un tueur en série, sur fond d’obsessions qui parcourent les livres d’Ellroy : l’enfance maltraitée, l’homosexualité mal assumée il y a 40 ans ? Hopkins est un super flic toujours en croisade contre le mal, mais sa violence et son mépris des règles l’amènent à la frontière du tolérable. Sans compter qu’il faut ruser avec un système policier soit corrompu, soit très politiquement correct pour masquer ses fautes aux yeux du public.

A noter un psychiatre aussi pervers qu’intelligent, Havilland, qui n’a rien à envier à un certain Hannibal Lecter par l’art de ses déductions et ses performances en maître d’un jeu cruel.

Puisque j’ai un creux dans mes nouveautés polar, pourquoi ne pas relire les vieux Ellroy, comme ce premier volume de la trilogie Lloyd Hopkins, trilogie complétée par « A cause de la nuit » et « La colline aux suicidés ». J’en avait complètement oublié l’intrigue (le livre a presque 40 ans) mais j’ai vite été repris par la puissance du style et la densité des personnages, la force d’une relation qui s’établit entre ce flic irlandais protestant, un vrai croisé du bien qui adore sa femme tout en la trompant à tout va, et des femmes fortes capables de faire jeu égal. Ce super flic ne serait-il d'ailleurs pas le reflet du serial killer, tellement sont proches les raisonnements de l'un et de l'autre?

Dans cette histoire de tueur en série, on retrouve déjà les séquelles subies dans le passé, à l’enfance ou à l’adolescence, et on n’épargne pas les atrocités, non pour prospérer sur le gore, mais pour décupler la terreur ressentie par certains personnages.

Sachant que ce style ellroylien va s’améliorer de livre en livres, j’ai de qui patienter en attendant le prochain tome du deuxième Quatuor de Los Angeles.