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Petit traité d'histoires naturelles au coeur ..

Sans doute avez-vous eu l’occasion d’entendre parler de ces animaux sauvages qui s’introduisent dans nos villes, renards et coyotes en quête de nourriture, ours se hissant sur des vérandas, cerfs cherchant un refuge pour échapper aux chasseurs… Mais la plupart d’entre nous sommes pourtant bien loin d’imaginer la richesse et la diversité de la faune avec laquelle nous cohabitons en zone urbaine, souvent sans le savoir.

L’essai de Nicolas Gilsoul nous en donne un bel aperçu.



Insectes, mammifères, batraciens ou oiseaux, grosses bêtes ou minuscules organismes, animaux familiers ou raretés de la nature… : il nous emmène, à travers un tour du monde urbain, à la découverte de cette diversité, et ce faisant nous instruit et nous étonne, nous attriste et nous réjouit.



Sans surprise, il y est beaucoup question des aberrations délétères liées à notre mode de vie déconnectée du reste du vivant, et à notre incapacité à le considérer comme aussi légitime que nous à occuper un espace que l’on s’est approprié. Nous avons détruit ou réduit à peau de chagrin les habitats de multiples animaux, qui en meurent et qui, contraints de se rapprocher des villes pour survivre, sont jugés trop invasifs -et donc à abattre-, car détruisant nos belles pelouses et nos beaux ronds-points ! L’architecture urbaine tue parfois directement, perpétrant de véritables génocides. Chaque année aux Etats-Unis, un billion -oui, un BILLION !- d’oiseaux migrateurs sont tués par la verticalité des villes.



Dans plusieurs pays, leur sort est lié à celui, quasi similaire, qu’ont connu les autochtones que la colonisation a relégué hors de leurs territoires d’origine, et qui vivaient en harmonie avec des espèces aujourd’hui considérées comme nuisibles. Ainsi le kangourou, avec qui les aborigènes ont cohabité sans heurt pendant 50 000 ans, ou le cagou de Nouvelle-Calédonie, qui a échappé de peu à l’extinction, alors qu’il est un oiseau totémique de la culture kanak.



L’urbanisation galopante induit des cohabitations souvent délicates qui réclament des politiques d’aménagement novatrices et éclairées. Or, comme le démontre l’auteur par de multiples exemples, on est souvent dans le domaine de la fausse bonne idée, où de la bonne idée trouvée après des tentatives aussi aberrantes que destructrices. Difficile de protéger les animaux quand on décide de le faire alors que le processus d’extermination est près d’arriver à son terme, et que le respect du vivant est souvent lié à son utilité (c’est-à-dire à sa valeur marchande) pour l’homme. Considérer qu’introduire des freux dans les aéroports pour qu’ils ramassent nos mégots est se comporter de manière éco-responsable me fait personnellement grincer des dents…



Nicolas Gilsoul enfonce peut-être des portes ouvertes (mais cela ne semble pas si évident pour tout le monde) : la meilleure idée est souvent de ne rien faire, la nature se chargera du reste… la simple réintroduction d’animaux dans les espaces d’où ils ont été chassés permet, sans autre intervention, de rééquilibrer des parties d’écosystèmes affaiblis ou déréglés par la main de l’homme si prompte à la bétonisation. Encore faut-il accepter de ne pas tout maitriser, tout dominer, tout comptabiliser… l’éducation est primordiale, notamment pour apprendre aux humains à sortir des préjugés de la bête sauvage forcément agressive, et les amener, par la connaissance, à admettre la beauté, l’intelligence, et le droit à la vie, tout simplement, de ces espèces qui oui, sont par ailleurs bien utiles, peut-être pas d’un point de vue pécuniaire, mais parce que sans elles, la survie de l’homme est elle aussi vouée à l’échec…



Et l’auteur s’emploie, avec ce recueil, à multiplier les raisons d’admirer ces animaux qui ont beaucoup à nous apprendre en matière d’inventivité, d’organisation et de résilience.



La complexité de leurs organisations collectives et individuelles, leur capacité à contourner et résoudre les difficultés, à trouver des richesses dans les territoires que l’humain, les trouvant « pauvres », dédaigne, donnent lieu à des prouesses que l’homme n’atteint qu’à l’aide de machines ou d’équipements ultra perfectionnés. En se focalisant sur les bêtes de villes, Nicolas Gilsoul met en évidence leurs extraordinaires capacités d’adaptation, la nature mettant en œuvre des stratégies inédites pour survivre en milieu hostile.



En se transformant radicalement et rapidement, le milieu urbain et la confrontation croissante avec les hommes qu’il entraîne, accélère l’évolution du vivant. Les animaux sauvages devenus citadins ont appris à se nourrir et s’abriter au cœur des villes, à en supporter le bruit. Mais la mutation va parfois bien plus loin. Depuis qu’il est interdit de tirer sur les ourses accompagnées de leurs petits, les scientifiques ont remarqué qu’elles ont rallongé la durée de leur « congé maternité »… dans certains endroits d’Afrique où le commerce de l’ivoire fait des ravages, ce sont dorénavant 98 % des éléphantes qui naissent sans défenses, contre 2 % il y a quelques années (ce qui n’est pas sans danger pour l’espèce ainsi fragilisée).



C’est avec autant de tendresse que de fascination que Nicolas Gilsoul évoque ces êtres qui occupent les villes de manière plus ou moins visible, sans hiérarchisation affective, vantant la beauté des crapauds comme l’ingéniosité du scorpion mortel et quasi indestructible devenu le cauchemar de certaines villes sud-américaines, réhabilitant des « affreux », rendant visible le microscopique. Entremêlant science, anecdotique et poésie, son ouvrage est par ailleurs empreint d’un humour qui le rend d’autant plus accessible et réjouissant.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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