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Interview de Clara Dupont-Monod, lauréate du prix Goncourt des Lycéens 2021
S'adapter : la famille à l'épreuve de la différence

Article publié le 25/11/2021 par Nicolas Hecht

 

Voilà un livre qui a beaucoup fait parler ces derniers mois : S'adapter (éditions Stock) a reçu pas moins de trois prix prestigieux (le Landerneau Roman, le Femina et tout dernièrement le Goncourt des Lycéens) et conquis déjà 30 000 lecteurs en librairie à l'heure où nous écrivons ces lignes. La communauté Babelio est également très enthousiaste, avec une moyenne de 4,3 sur 5 pour plus de 300 notes, soulignant la lucidité et la douceur de ce roman très touchant. Son sujet ? La différence, et plus particulièrement la manière dont une famille cévénole va accueillir un enfant inadapté, né comme une « poupée de chiffon » qui ne peut se servir que d'un sens pour communiquer : l'ouïe. Un handicap accueilli avec amour ou haine dans la fratrie, confrontée brutalement à la norme et ses dommages collatéraux.

 

Nous avons eu la chance de parler à Clara Dupont-Monod par téléphone ce 25 novembre, quelques heures après qu'elle ait remporté le prix Goncourt des Lycéens 2021, organisé par la Fnac et le ministère de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports. L'occasion de lui poser quelques questions sur un roman qui pourrait bien remettre le handicap au centre du débat public, et peut-être même faire évoluer les mentalités.

 

 

 

 

S'adapter rencontre un très beau succès depuis sa parution en août 2021, avec déjà trois prix prestigieux (Landerneau, Femina et aujourd'hui le Goncourt des Lycéens) et de nombreuses critiques très enthousiastes des médias et lecteurs. Comment vivez-vous cet engouement ? Est-ce qu'au moment de la parution de votre livre vous sentiez que celui-ci rencontrerait encore plus de succès que vos précédents ?

Pas du tout, c'était même le contraire. Autant Aliénor d'Aquitaine (dans son roman historique La Révolte, nda) était une figure quand même assez fédératrice, autant là c'était une expérience très particulière, qui se doublait d'une prise de risque littéraire en faisant parler des pierres et en évoquant les trois points de vue successifs. Narrativement il y avait aussi une prise de risque, et donc c'était le moins enclin à connaître ce chemin et ce succès.


On connaissait votre goût pour l'Histoire et la langue française à travers vos précédents ouvrages, on découvre ici une histoire familiale, en partie autobiographique. Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire un roman plus intimiste ?

Quand j'ai commencé l'écriture de ce livre, je ne formulais pas cet aspect aussi consciemment ; mais avec le recul je pense que c'est un livre qui demandait une maturité littéraire que je n'avais pas avant. C'est une question de moment, l'écriture d'un livre. Un peu comme une rencontre amoureuse ou amicale : quand vous rencontrez quelqu'un à un moment très précis de votre vie, alors que vous ne l'auriez pas approché à un autre moment. Il s'est imposé tout seul, l'idée prend sa place dans votre vie et ne vous laisse plus le choix. Peut-être que j'arrivais aussi à un stade de mon histoire où le chagrin d'avoir perdu ce petit frère était enfin supplanté par la joie de l'avoir connu.


Comme s'il fallait faire le deuil de ce frère avec ce livre…?

Non, parce que le deuil était fait avant. D'ailleurs « faire son deuil » je ne sais pas exactement ce que ça signifie. Si c'est apprendre à marcher à côté des fantômes, disons que oui, je l'ai fait. Mais le livre ne guérit rien, je ne crois pas à l'écriture comme thérapie. Mais il vient mettre le dernier point de suture à un chagrin, il vient couronner une période de convalescence, mais ça n'est pas lui qui guérit.

 



La littérature est très aux prises avec la société ces dernières années, influence le débat public et conduit parfois à des scandales à fort retentissement. Était-ce l'une des volontés de ce livre, de parler de grands oubliés, du handicap face à la norme ?

C'est tout le miracle d'un livre qui marche bien, le miracle des prix littéraires. D'un coup la parole se libère et une réalité est mise en valeur. Ça dépasse l'objet même du livre, et c'est tant mieux. Le fait que ça ne vienne pas par la société ou le pouvoir en place mais plutôt par la littérature, est merveilleux.


Est-ce une particularité française selon vous, ce rôle de la littérature dans la société ?

On dit souvent que pour prendre le pouls d'un pays, il faut entrer dans l'une de ses librairies. Quelqu'un qui entrerait dans une librairie française en novembre 2021 se dirait : « C'est quand même un pays qui va bien ! » On râle souvent contre la surproduction de livres mais si on envisage l'inverse, un pays avec trop peu de livres et des étals de librairie vides, on a tout de suite une image très mortifère. Alors je ne sais pas si c'est une spécificité française, mais en tout cas nous sommes les seuls à avoir une rentrée littéraire, et le fait qu'un pays se mette en branle autour des livres pendant trois mois pour les fêter… je suis prête à reprendre mon passeport français sans problème !


Dans S'adapter, on sent que la famille est un cadre où la cruauté peut faire plus mal qu'ailleurs. C'est pour vous un lieu d'amour absolu et de détestation totale aussi ?

Oui, c'est le lieu de toutes les névroses et toutes les terreurs, il ne faut pas se le cacher. Mais c'est aussi un roman sur le soutien, où la fratrie veille sur elle-même, sur les parents et réciproquement. Les pierres aussi veillent sur la famille. C'est un livre beaucoup plus « famille je vous aime » que « famille je vous hais ». Mais quand je dis famille c'est toutes celles qu'on peut se recréer, malgré les travers. Même ceux qui n'en ont pas cherchent à s'en fabriquer une. C'est peut-être ce versant qui a plu aux lecteurs. Et j'ai vraiment hâte d'en parler avec les lycéens d'ailleurs.


Quel est le livre qui vous a donné envie d'écrire ?

Tristan et Yseult.


Quel est le livre que vous auriez rêvé d'écrire ?

Celui que je n'ai pas encore écrit.

 

 

Découvrez S'adapter de Clara Dupont-Monod, publié aux éditions Stock

 

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