Elle s’était rendue là-bas, sans savoir au juste comment, car à présent, elle agissait comme une personne plongée dans un rêve. Fort élégamment vêtue d’une superbe robe demi-deuil, elle se sentait mal à l’aise, nerveuse : elle avait presque perdu l’habitude de s’habiller pour les sorties, d’enfiler une robe très décolletée, de demander à sa femme de chambre de lui faire venir un cab et de franchir la moitié de Londres pour passer quelques heures dans une autre résidence.
Un peu plus d’une année plus tôt, pourtant, elle les avait accomplis, ces gestes et ces déplacements, soir après soir, avant la mort de sa mère et l’affaire du testament, aussi exaspérante que révoltante,mais qui venait de prendre fin à son si grand désavantage qu’elle ne savait toujours pas, aujourd’hui, si elle serait capable de faire volte-face, voire
de sortir toute seule. Considérée comme persona grata, elle avait ses entrées dans les maisons les plus huppées, et les plus grandes hôtesses se battaient pour sa présence, tout autant en raison de son apparence extérieure, de l’esprit hérité de sa mère que du prestige lié au nom paternel, un personnage de première importance, à l’époque. Elle n’avait rien perdu de tout cela, grâce à Dieu.