On ne peut nier qu'une grande confusion a toujours existé dans le public relativement à ce qualificatif « naïf » que l'on a appliqué aux représentants de cette tendance. Le mot lui-même est plutôt péjoratif. Si l'on se réfère aux principaux dictionnaires, cet adjectif est synonyme de naturel, ingénu, sans artifices et sans finesse. Dire d'un être qu'il est naïf n'est pas précisément lui décerner un brevet de capacité intellectuelle, ce serait plutôt l'assimiler à un simple d'esprit. On en a eu vite conscience et on a essayé de remédier à cette fâcheuse appelation et de trouver une expression plus adaptée. Les uns les ont dénommés « Peintres de l'Instinct », « Peintres Spontanés », d'autres les ont appelés « Autodidactes », « Peintres du Coeur Sacré », ou encore « Maîtres Populaires de la Réalité », Maîtres afin de situer la qualité technique de leurs productions, Populaires pour signifier leurs origines le plus souvent modestes. Réalité, pour exprimer leur façon de représenter tout ce qui est réel ou tangible. Les Américains les nomment « Primitifs » (...) Mais aucun des qualificatifs employés jusqu'à présent n'est susceptible de les représenter de façon exacte. On continue donc et on continuera longtemps, sinon toujours, à les étiqueter de cette façon. (...) le terme étant perçu chaque jour davantage comme une marque distinctive d'un certain style de création et non comme un simple qualificatif.
L'Art Naïf se contente de nous donner à contempler et à aimer. Il ne nous impose pas de réfléchir. C'est une des raisons de son succès auprès d'un public passablement blasé par toutes les oeuvres dites intellectuelles qu'on lui présente chaque jour à grand renfort de publicité et qu'il juge, souvent à juste titre, comme sans intérêt et trop spéculatives. Ce public s'y trompe du reste de moins en moins et chaque moment qui passe ne fait qu'augmenter sa compréhension et son admiration envers les Naïfs.
Si le défaut de l'artiste naïf peut paraître son ingénuité, sa qualité est sans conteste son sens du vrai, son exaltation à faire passer en nous sa propre vision de la nature, des êtres et des choses. Ce défaut et cette qualité concourent à faire un tout, en conférant une place de choix à son oeuvre.