Huguette Maure

Un jour, à Fadiouth, au cours d’une promenade, j’ai rencontré un garçon fabuleux… La chaleur, l’Afrique, un contact et sans doute, chez moi, la folle du logis m’ont entraînée dans une de ces histoires… Nous étions arrivés par bateau – pas le même – et nous repartions au matin pour des destinations différentes. Nous avions beaucoup nagé mais les soirées africaines possèdent l’art de tenir en éveil. Le repas, exotique, acheva de nous faire oublier toutes les contingences. L’hôtel ressemblait à une case et les Noirs n’affichent pas de sourires égrillards quand un homme et une femme étrangers l’un à l’autre demandent la même chambre.
– Nous ne nous reverrons sans doute jamais…, remarqua le garçon avant de pousser la porte de bambou qui menait à l’alcôve sénégalaise.
– Aucune importance, répondis-je.
Cela n’eut, en effet, pas la moindre importance. La nuit fut agréable, peut-être merveilleuse. Mais elle n’est pas devenue, pour autant, un souvenir heureux. Parce qu’elle ne portait en elle que des regrets et que l’inquiétude était exclue de son avenir. Je n’y songe plus jamais et je me vois mal, au demeurant, conter cet épisode de mes vacances dans un dîner bourgeois.

Eh bien, Mesdames qui voudrez bien jeter un regard sur cet essai, je tiens à vous prévenir tout de suite : je suis des vôtres ! Je ne suis pas sortie de la cuisse de Jupiter et je ne me trouve exceptionnelle en rien. Je n’irai pas jusqu’à assumer tous les défauts dont je parle dans ces pages, mais sans doute est-ce parce que je ne me suis pas trouvée dans toutes les situations que j’évoque. Je suis une femme et j’aime bien l’être.
… Et puis, n’est-ce pas, au cas où vous ne seriez pas d’accord avec tous mes réquisitoires, vous pourrez toujours dire au compagnon de votre vie ou à ceux qui vous jugent :
– Elle parle pour elle. Moi, je ne mange pas de ce pain-là !
Étant une femme, je prends garde d’oublier que nous ne reconnaissons jamais nos torts !

– Et alors ?
C’est bien ce que nous avons envie de répondre, en effet, lorsque les hommes fustigent par trop nos défauts, et font mine de désirer pouvoir un jour se passer de nous. Sans doute sommes-nous abominables. Insaisissables en tout cas, donc fascinantes pour eux. Tout en contrastes : courageuses et pusillanimes, spontanées mais rarement sincères, généreuses et mesquines à la fois. Affectant de demeurer dans l’ombre, mais bientôt encombrantes, envahissantes, insupportables : tant qu’il y aura des femmes, les hommes échapperont à l’ennui.

Est-ce que je sais si nous nous aimons ? Sans doute, mais d’un amour bizarre… Sagan traîne au long de ses livres un frère incestueux, moi je traîne dans ma vie un amant fraternel. Un complice, un ami, un amoureux parfois… Nous nous retrouvons éperdument à chacun de nos entractes mutuels.

Les hommes aiment les femmes. Les femmes n’aiment que l’amour. Elles ont avec cette entité – car l’amour représente pour elles bien plus qu’un sentiment – des rapports amantes dans lesquels l’homme ne joue qu’un piètre rôle intermédiaire.
Un homme vous dira volontiers :
– J’aimerais rencontrer la femme de mes rêves…
Mainte femme, à sa place, s’écriera :
– Je voudrais rencontrer l’amour !