Depuis des années, je travaille sur les territoires des sciences humaines et de la philosophie avec une double intention : contribuer à dégager les traits caractéristiques de la culture contemporaine et les fondements des disciplines qui s’attachent à son étude. Pendant tout ce temps, je n’ai jamais cessé de me soucier, en tant que croyant, des vicissitudes du christianisme dans le monde actuel. Entreprenant l’examen un peu systématique de la théologie, je voulais confronter de plus près mon expérience de la science et mon expérience de la foi. Je demeure un laïc : un homme voué, et sans qu’il s’en repente, aux tâtonnements de ce monde périssable dont parle l’Écriture. Restant par ailleurs attentif à mon métier premier, je ne pouvais que m’inquiéter de la place de la théologie dans la culture et dans le savoir d’aujourd’hui.
Les définitions les plus courantes... trahissent l’incertitude épistémologique d’une discipline qui veut à la fois assumer la tâche de l’ancienne apologétique, c’est-à-dire établir la justification rationnelle de la foi chrétienne, et exercer la fonction critique inhérente à toute science, c’est-à-dire élucider les fondements et la méthode de cette science particulière qu’est la théologie.
Ce cinquième et dernier tome des œuvres complètes de Fernand Dumont réunit ses trois recueils de poèmes et l’autobiographie qu’il écrivit à la fin de sa vie. La poésie, bien qu’elle soit partie prenante de l’œuvre, fut toujours pour l’auteur une sorte d’accompagnement: c’est à elle qu’était dévolu le rôle de témoigner de ce qui échappait aux constructions théoriques ou aux analyses sociologiques, ce qu’indique le titre qu’il avait choisi pour la publication rétrospective de ses trois recueils en 1996: La Part de l’ombre. Ses Mémoires, Récit d’une émigration, ont aussi un statut particulier: si l’auteur a souvent évoqué son milieu ou son parcours dans ses essais, il s’agit de son seul livre de nature autobiographique. Fernand Dumont n’est pas moins écrivain dans ses autres livres, mais La Part de l’ombre et Récit d’une émigration témoignent plus ouvertement que ses autres ouvrages de l’histoire d’une sensibilité.
La solidarité de la tribu entraînait des visites fréquentes. Pas une soirée sans que l’un ou l’autre des oncles vienne causer. J’entendais bruire autour de moi les propos familiers qui me réconfortaient quant à l’ordonnance des personnes et des choses. Le dimanche midi, après la messe, maman recevait souvent tout le monde à dîner; le soir, on se déplaçait chez grand-mère pour le souper. Il y avait toujours quelque réparation à effectuer qui réclamait une corvée où mon père manifestait son rôle de maître d’oeuvre. L’usine mobilisant les hommes dix heures par jour, sauf les dimanches et quelques fêtes, ce qu’on appellerait aujourd’hui les loisirs dépassait rarement les frontières de la tribu.
Sous beaucoup d’aspects, la théologie est un savoir comme les autres. Ses méthodes d’argumentation recourent aux règles communément admises; elles se prêtent à la critique et à la polémique. La théologie entremêle ses démarches à celles des disciplines voisines: la philosophie, l’histoire, la linguistique, etc. Depuis ses lointaines origines, et plus nettement au Moyen Âge, la théologie a réclamé sa légitimité dans la culture, son institution dans l’univers scientifique. Au temps présent, cette institution de la théologie et du théologien n’est-elle plus qu’affaire de conventions? Quels en sont les fondements en savoir et en culture ?
Toujours est-il que, parti à la recherche de l’homme, l’Occident ne l’a pas rencontré à la fin. On nous en avertit d’ailleurs de divers côtés. S’attacher à l’anthropologie, ce ne serait plus que répéter, selon autant de variations que l’on voudra, que l’anthropologie est impossible. Passé de l’homme à la Méthode, évincé ensuite par cette dernière, il ne resterait plus à l’anthropologue qu’à vous dire le perpétuel déplacement d’une ombre qui n’est plus celle de l’homme ni celle de la science mais la sienne propre.
Pourquoi l'Europe ? Pourquoi le grand mouvement de découverte et d'exploration vient-il de là ? certes il faut invoquer des changements économiques, des innovations dans les techniques de navigation, d'autres facteurs. mais l'impulsion première procède de la décomposition de la culture médiévale. Il est indispensable de se placer selon la longue durée pour évaluer les virtualités présentes au débuts des Temps modernes. En effet, la poussée de désintégration n'atteindra l'intime des collectivités que par à-coups.
Le bleu couleur inattentive
Effrite le jaillissement futile
Du lien oublié et du chant perdu
Le cri inutile jaillit des landes
Rien ne reste que proférer
Contre les nuages consolés
Ecoutez une Fée. Rien de ce qu’elle dit ne peut vous échapper. C’est la vie, c’est l’amour, c’est le désir lui-même que vous voyez apparaître en traits de feu à travers le cristal de ses paroles.
Maintenant, retournez près des hommes, et vous saurez que leurs phrases creuses, leurs paroles de plomb, leurs affreux proverbes, leurs lois inflexibles ne sont que mensonges destinés à vous empêcher de vivre.
Les analyses de Dumont sont dures, souvent implacables. Les sociétés ont radicalement changé - Dumont parle de « révolution sociale » et de « mutation de civilisation ». Mais, plongée dans « un trouble de plus en plus grave de digestion historique», l’Église n’aurait pas su être suffisamment à l’écoute pour évoluer elle aussi et être un ferment d’approfondissement et de progrès.