(Léo avale la couleuvre et continue avec minutie. Il pose un bouddha doré au hasard dans la bibliothèque.)
LAURA
Trop bas, le bouddha. L’élévation spirituelle ça commence par une position élevée dans la bibliothèque.
La société de consommation a basculé ans une surabondance de bouffe qui déborde de tous les côtés. On nage dans le trop et le trop-plein. Avoir la bouche pleine en permanence permet d'avoir l'esprit occupé et de fermer sa gueule. Le peuple en oie consentante, gavé de gras et drogué au sucre qui le maintient dans un état de dépendance physique et psychique. Chacun creuse sa tombe comme bon lui semble. On est ce qu'on mange. Beaucoup de nos comportements sont induits par nos choix alimentaires. La plupart des maladies modernes sont générées ou largement entretenue par notre alimentation.
Beaucoup de personnes ne dégagent plus rien. Elles sont éteintes. Je ne parle pas d'une énergie neutre en veille, mais véritablement d'êtres vides et complétements déconnectés. On parle d'alimentation vivante. Est-ce que ceux qui ne se nourrissent que d'agro-alimentaire, de petites pilules prescrites par le médecin et de télé à haute dose finissent décérébrés au sens propre ?
LAURA
Mais c’est ignoble !
LÉO
Ah non, c’est économique ! Vous n’avez pas de Canigou à acheter pendant de longues semaines. Tous les jours, vous hachez fine- ment une partie du corps du macchabée que vous mélangez avec du riz, pour l’équilibre alimentaire de votre toutou. Vous servez tiède et je vous assure qu’il se régalera.
" Je perçois les gens par rapport à leur énergie. Rien de mystique là-dedans. L’être humain est un réseau électrique bien câblé qui fait rêver EDF. Chacun dégage une énergie qui lui est propre et qui est influencé par tout ce qui le traverse, de ses pensées à ses sensations, en passant évidemment par des stimulations externes."
" « Je suis Asperger, mais ça n’est pas grave... » Je ne sais pas pourquoi je me sens obligée de minimiser mon annonce, comme pour atténuer le choc. Peut-être qu’en voyant la face de mon interlocuteur se décomposer en entendant ce mot, j’essaie de récupérer la ptose réactionnelle en rassurant avec une couche de méthode Coué."
LAURA
Non, humain. Je ne lui en veux pas. Je ne sais pas si je n’aurais pas fait pareil à sa place. On parlait mariage avant l’accident, mais signer pour le pire et le moins bon avant de penser au meilleur, il y a de quoi dissuader les têtes brûlées de l’engagement.
" Si le non style est ma marque de fabrique dans un lâcher-prise naturel avec le diktat des apparences, en revanche, je suis d’une exigence toute Lagerfiefd quant au choix de la texture. Dire qu’un vêtement me va comme une seconde peau n’est pas un euphémisme."
" « Une entreprise, c’est une grande famille avec qui l’on vit », me déclarait un jour avec emphase une directrice de com’ qui a depuis choisi le divorce. Le problème vient peut- être de là, la famille n’ayant jamais été mon fort..."
"J’en viens à me demander si le bouddhisme n’a pas été inventé pour les Asperger. Il ne reste que la vieille question de la compassion comme une épine dans le pied pour rappeler que le chemin vers le Nirvana est encore long."