Ils s’engagèrent dans un couloir enténébré dont la lisière encadrait une nature morte. Deux maisonnettes beiges, ornées de poutres de bois, étaient éclairées par un lampadaire noir qu’on aurait dit dessiné au fusain. Ils rejoignirent la lumière. Ce qui ressemblait à un tableau devint une petite ruelle pavée de pierres anciennes, offrant à la nuit une lueur chaleureuse. La propreté du sol frappa Andrés. Rien n’y traînait, ni mégot, ni canette écrasée, ni papier, ni entassement de poubelles empilées sur les bords de sentiers. Quelque chose d’artificiel flottait dans le parfum ambiant, quelque chose entre bois et agrume, qui se rapprochait de l’air de Nefer, en étant plus discret et moins sucré. En ne tenant pas compte des passants qui les dévisageaient avec, bien souvent, du mépris, la découverte l’enchanta. Andrés ignorait qu’il existait des rues étroites aussi charmantes, impeccables, et calmes, au sein de Forseti. Dans son arrondissement à lui, on évitait l’exiguïté, considérée risquée en l’absence du soleil.
— Ce qui est injuste, c’est que mis à part les condamnés, les hommes sont volontaires quand ils s’engagent ! Les robots ne sont que du bétail tiré au sort… Alice ne souhaite pas prendre part à ce massacre. Elle aime l’humain, elle voulait que Malik gagne ! La Fédération ne force pas simplement les androïdes à mourir, elle les force à devenir des assassins. Pourquoi seul l’homme devrait avoir le choix ?
— On ne sait pas ce qui se passe dans la tête des gens quand ils affrontent ensemble une épreuve telle qu’un Carnage, répondit Alice d’une voix pensive. Et puis, je trouve qu’il est normal de chérir une vie que l’on a sauvée.
— Le fait d’agir dans ton droit ne te donne pas raison, ça ne fait pas de toi un mec correct, articula Émilio.
— Tu n’es personne. Ce n’est pas toi qui décides qui a tort ou qui a raison.
À Forseti, ainsi que dans de nombreuses villes, la justice était comme la solidarité, la gentillesse ou l’honnêteté : des choses pas très sérieuses.