À VENDRE
Ce portail déjà repeint
D’un blanc clinique, sans légende
L’hésitation de l’étranger
De celui qui n’est plus invité
Le pousser pour la dernière fois
Cette allée qui n’en finit pas
Ridicule en ce jour de contre-vérité
Trop poli, taillée au carré
Là où autrefois
Tous les jeux étaient à la fête
Cricket, pétanque, balle au prisonnier
Le temps entre les hautes herbes, dévoré
Parcelle d’un rien mais tout mon univers
La vieille d’en face me comprenait
Elle m’a vu évoluer entre les branches
Bachoter mes crimes
Badigeonner son linge blanc de cerises pleines à craquer
Puis prendre la fuite
Égrenant de petites taches sombres sur mon chemin
Autrefois drapée dans son rideau
Les yeux furibards
Elle n’est plus là
Une fenêtre vide ne donnant plus sur rien
Le pâle reflet d’un autre temps
Je ne peux plus m’excuser
Mais quelle importance
C’est à mon tour à présent
D’observer des vies s’inviter par-dessus d’autres vies
L’enfance s’arrête ici
Derrière la porte, un seul rescapé
Posé bien droit sur une chaise pourtant boiteuse
Mon bigoudi fluorescent vert et rouge
Sur les murs, en apesanteur
Des photos sans mémoire
Je décrypte quelques hiéroglyphes sur le tapis
Comme mon bureau qui devait se trouver là
Dans ce coin vide
Sur ces quelques planches Ikea
Je me réinventais une vie
Je bûchais l’avenir
Mon père m’agaçait
Mastiquant des cacahuètes derrière mes oreilles
Le sèche-cheveux de ma mère à plein régime
Le problème insoluble des équations insondables
L’arbre qui poussait si vite que ses branches s’invitaient dans ma chambre
La promesse du printemps dans une maigre corolle
Les yeux de loups incrustés dans le bois
Hurt de Johnny Cash sur une vieille radio oubliée dans le grenier
Grégory Rateau, extrait du recueil Conspiration du réels publié aux éditions Unicité