J’étais devenu journaliste un peu par hasard. Lorsque nous avions posé nos bagages dans la région avec Linda, nous louions un petit deux-pièces en centre-ville au troisième et dernier étage d’un minuscule immeuble décrépi. Pour nous, c’était déjà la campagne. Après la cité, les voitures brûlées, puis
la banlieue tranquille et bétonnée où nous avions vécu nos premières années de mariage, nous respirions enfin dans cette ville de province.
L’entretien se poursuivit, poli d’une part, sec et hautain de l’autre, pendant de longues minutes avant que Dargaud y mette fin. Marion Dumont serra la main du Commissaire d’une poigne fuyante et molle qui contrastait avec son attitude et quitta le bureau, très droite. Une grosse berline grise s’arrêta en bas du bâtiment et Marion monta à côté du conducteur. Dargaud devait
garder de cet entretien le souvenir d’une femme trop soignée et trop peu démonstrative, qui avait appris l’importance du paraître et maîtrisait l’art de la présentation à la perfection.
Après une nuit minée de réflexions, j’oscillais entre peur et exaltation. Je m’étais fourré dans un bourbier dont les ramifications m’échappaient totalement, et j’avais l’occasion de faire évoluer ma carrière de manière inespérée. Ma vie routinière et bien réglée me plaisait, et cela justifiait des années de journalisme aux titres racoleurs et aux enquêtes mollasses. Mais
quand les circonstances vous offrent la possibilité de remplacer votre vieille Fiat par une sportive, même si la Fiat roule bien, ça ne se refuse pas.