À la seconde où sa paume se pressa contre la mienne, je serrai les lèvres, craignant de hoqueter : son contact était aussi froid que son regard. Il était comme de la glace contre ma peau, en contradiction complète avec la lumière et l’ambiance chaleureuses créées par les richesses qui nous entouraient. Il se renfonça sur son siège, et un sourire amusé étira le coin de ses lèvres. Un arc de Cupidon attirant était assorti d’une lèvre inférieure charnue. Cet homme avait une bouche parfaite, des lèvres faites pour tenter et séduire.
Les histoires que l’on raconte sur l’adrénaline qui se déclenche, et sur notre instinct naturel qui passe en pilote automatique pour échapper à des situations comme celle-ci, ce sont des salades. Il n’y eut pas de sursaut d’énergie, pas de besoin dévorant de m’échapper. C’était comme si mon corps avait été vidé, mon esprit pris dans la toile du vertige, comme s’il essayait d’altérer cette nouvelle réalité dans laquelle j’étais piégée.
Il y avait une bonne raison pour que tout le monde sache que la curiosité était un vilain défaut, mais l’inconnu avait le chic pour enfoncer ses griffes dans chaque os de votre corps, et je me sentis forcée d’ouvrir les yeux. Ce fut un geste que je regrettais instantanément quand tout ce que je vis fut du rouge, des traînées carmin trempant les fibres du tapis. Du sang. Le sang de Brad.
J’avais vu l’hostilité dans ses yeux devenir lentement, de faible lueur, flamme brûlante. Elle devait être éteinte avant qu’elle n’ait l’occasion de s’en rendre compte, avant même qu’elle ne puisse penser à me résister. On ne pouvait pas lutter contre moi, on ne pouvait pas m’empêcher d’obtenir ce que je voulais, et c’était une leçon qu’elle devait apprendre dès que possible.
Son innocence l’enveloppait comme un voile de vertu, pourtant ses épaules bien droites mettaient en avant une assurance intérieure que son tee-shirt noir des Lakers ne reflétait pas. Sa garde-robe trahissait sa jeunesse, et sa curiosité prouvait à quel point elle était naïve.