Sachez que ces quelques paroles sont empruntées aux discours du Pôle des gens de bien, du Seigneur des hommes pieux, le fils du Lion de Dieu qui charge l'ennemi (que la prière soit sur lui !), le Séyyid Chérif (que Dieu l'ait en sa miséricorde !), qui a dit, au sujet de la connaissance de l'âme et de l'esprit du Père nourricier des mortels (que sa gloire soit exaltée, que ses bienfaits soient universels, que sa dignité soit illustre !) :
« Sache, ô mon élève, que Dieu a créé ton existence au moyen des quatre éléments qui règnent sur l'air, la terre, l'eau et le feu. Il t'a donné six côtés : la droite, la gauche, le haut, le bas, le sud, le nord. Il t'a conféré dix qualités particulières, dont cinq visibles et cinq invisibles : les premières sont l'odorat, le toucher, l'articulation de la parole, l'ouïe, la vue ; les secondes sont l'imagination, la réflexion, la supposition, la compréhension et la mémoire. Il t'a pourvu de sept membres : 1° la tête, 2° les deux mains, 3° le pied, 4° la poitrine, 5° le dos, 6° le ventre, 7° le membre viril, c'est-à-dire les parties honteuses. Il t'a donné l'esprit, la raison, l’amour, l'âme animale ; cette dernière se divise en quatre sortes : ammârè (celle qui incite), lawwàmè (celle qui blâme), moulhimè (instinctive), moutma'innè (tranquille) ; de sorte que l'air correspond à l'esprit, l'eau à la raison, le feu à l'amour, et la terre à l'âme animale ; et quant à l'âme concupiscente, elle a rapport au feu, celle qui blâme à l'air, l'instinctive à l'eau, la tranquille à la terre.
En outre, tout ce que le Dieu très haut a créé dans les divers horizons, il l'a aussi créé dans l'âme, car le Qorân nous dit : ‘’Nous leur ferons voir nos signes dans les divers horizons et dans leurs âmes, jusqu'à ce qu'il devienne évident pour eux qu'il est la Vérité’’.
Les douze constellations zodiacales, qui sont dans les sept cieux, sont aussi en toi ; comprends bien, ô mon élève, que tes deux yeux sont le Bélier, ton oreille est le Taureau, ton cou est les Gémeaux, ton membre viril est le Sagittaire, ta cuisse est le Capricorne, ton genou le Cancer, ton pied les Poissons. Quant aux sept planètes qui circulent parmi les douze signes zodiacaux, c'est un miracle que leur existence ; le cœur est le Soleil, le foie est Jupiter, le dos est la Lune, la rate est Mars, le rein est Saturne, le cerveau est Mercure ; comme l'année [civile des Persans sans épagomènes], le corps se compose de trois cent soixante fragments, os, muscles, veines et peau.
‘’Celui qui se connaît lui-même’’, ce qui est la perfection de l'état adulte, ‘’connaît son Seigneur’’, ce qui est atteindre la perfection. Toutes les fois que vous vous connaîtrez vous-mêmes, votre perfection atteindra son état adulte ; et lorsque vous connaîtrez votre Créateur, votre état adulte arrivera à la perfection. » (pp. 131-132)
Les plus anciennes poésies antéislamiques sont celles qui forment le recueil des sept mo allaqa,, littéralement les « suspendues », nom qui leur fut donné beaucoup plus tard par Hammâd er-Râwiya et d'où est sortie la légende, entièrement fausse d'ailleurs, que ces poèmes, écrits avec de l'encre d'or, étaient suspendus au fameux temple de la Mecque, à la Ka'ba. Celui qui leur a donné ce nom a simplement voulu faire allusion à la place d'honneur qui leur est accordée sur le Parnasse arabe comme un lustre est suspendu au milieu d'une salle ou plutôt comme un collier est suspendu au cou, car on les appelait aussi es-Somoût, « les colliers de perles ».
On verra plus loin comment les derviches tourneurs, si inexactement jugés par ceux qui ne les ont pas observés qu'en curieux, s'introduisirent à Koina, et à qui ils durent leur règles et leur rites. Ils appartiennent à ces ordres religieux nés dans l'Asie centrale sous l'impulsion des sages qui ont demandé le bonheur à l'oubli des maux de la vie, au stoïcisme ou à l'indifférence, au mépris de toute richesse, au dédain de toute souffrance, à la répudiation de toute ambition et au voeu d'absolue et perpétuelle pauvreté. Leur nom même avait cette signification (deviche) veut dire pauvre en persan)...