Les procédés de douceur ne sont pas toujours employés à l’égard des dieux. Les fidèles finissent par s’en lasser et le jettent à l’eau. Parfois, des campagnards fatigués d’avoir, en vain, demandé la pluie, en temps de sécheresse, arrachent la divinité de sa niche et l’exposent au soleil pour bien lui faire comprendre la nécessité d’un peu de fraîcheur.
Les dieux sont, tout comme les hommes, exposés aux pires violences populaires : un jour, dans un village décimé par une épidémie, la foule s’avisa de penser qu’un dieu en était la cause. Elle se rua vers le temple, s’empara de l’idole, la réduisit en miettes qu’elle jeta au vent.
Quelle qu’en soit l’origine, cette habitude est fort répandue. La beauté chinoise réside en grande partie dans le pied. « Un pied non déformé est un déshonneur », dit un poète. Pour le mari, le pied est plus intéressant que la ligure. Seul le mari peut voir le pied de sa femme nu.
Une Chinoise ne montre pas plus facilement ses pieds à un homme, qu’une femme d’Europe ses seins. Il m’est arrivé de donner, souvent, mes soins à des femmes chinoises à pied ridiculement petit, pour plaies, excoriations survenues du fait du bandage trop serré.
Elles avaient des pudibonderies de pensionnaires, rougissaient, faisaient mille manières pour se laisser examiner, me tournaient le dos pour défaire les bandes et dissimulaient, ensuite, leur pied dans un linge, ne laissant à découvert que la partie malade.
La pudeur est une question de convention : les Chinoises l’ont pour les pieds.
(...) le Céleste est en état de perpétuelle représentation : dans sa façon de marcher, de parler, dans toutes ses attitudes.
Il doit se composer une figure, recevoir, le sourire aux lèvres, la nouvelle la plus triste et, sur une ton enjoué, vous faire part de la mort de son père ou de sa femme.
Bref, il est correct de ne laisser trahir aucun de ses sentiments.
Contre ces « dangereuses vapeurs » et le mauvais sort, en général, un héros célèbre de la dynastie de Tchéou, Kiang-Taé-Koung, joue un rôle capital et économique. Sur une feuille de papier rouge, collée sur la porte, on écrit : « Kiang-Taé-Koung est ici, vous n’avez rien à craindre ! » Et cela suffit à calmer les transes des plus superstitieux.
Nous croyons que, d’une façon générale, les idées professées en Occident, sur la Chine et les Chinois, ne sont pas absolument exactes. A nos yeux, les Célestes sont toujours les inventeurs de la poudre, et, partant, nous avons une certaine tendance à penser que la Terre Fleurie a, sous le rapport de la civilisation et du développement intellectuel, atteint un degré tout à fait supérieur. Les Chinois sont par trop surfaits. Nous jugeons encore la Chine d’après les opinions des premiers voyageurs et missionnaires qui abordèrent dans ces contrées.
Paradis de la routine, la Chine est aussi celui de la superstition. Celle-ci est un puissant facteur qui a, largement, contribué à figer, pour ainsi dire, dans son évolution, une civilisation remarquable, sans doute, il y a de nombreux siècles, mais restée inerte, immobile, dans l’état où elle se trouvait, à l’époque où nous, peuples d’Europe, en étions encore aux premiers vagissements d’une barbarie naissante.