Le but de ce livre est d'apporter une contribution par des matériaux de première main à l'histoire réelle de l'Art extrême-oriental, non seulement pour les savants, mais aussi pour les curieux de l'Orient, pour ceux qui voyageront en Asie, comme pour ceux qui en collectionneront les choses d'art. La nouveauté du sujet est certaine sous plusieurs rapports. Des livres sur l'Art japonais ont été écrits bien plutôt en étudiant les techniques des arts industriels qu'en considérant les recherches esthétiques des Écoles; on a ainsi établi de fausses classifications par matières, au lieu de le faire par périodes d'activité créatrice.
En juin 1886, Ernest Fenellosa était nommé membre de la Commission des Beaux-Arts, et en cette qualité chargé, avec deux collègues japonais, d'étudier en Europe les méthodes d'enseignement des Beaux-Arts, les organisations administratives et leur possibilité d'adaptation au Japon. Cela aboutit, en 1887, à l'ouverture de l'École normale d'Art de Tokio. C'est alors que Fenellosa fut adjoint à neuf experts artistes et archéologues pour opérer le classement de tous les trésors d'art du Japon, particulièrement ceux des temples, et l'on ne saurait oublier la part d'influence personnelle qu'il y sut prendre de 1886 à 1889.
Fenellosa a certainement été l'Occidental qui le premier a passionnément interrogé les arts anciens de la Chine et du Japon ; il est sans doute, avec MM. Satoiv, Chamberlain et Lafcadio Hearn dans le domaine littéraire, de ceux auxquels les circonstances ont permis d'étendre le plus loin au Japon le cercle de leurs investigations et de leurs connaissances. Il a compris de l'Art japonais le haut idéalisme, le sens intime, les prestiges d'exécution : et, travaillant sans cesse d'après les monuments mêmes, il a pu asseoir ses idées sur des bases assurées et solides.