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Citation de enkidu_


Ce chapitre traite de la signification du terme dîn. Son enseignement est rapporté à Ya’qûb, d’une part parce que le Coran attribue à celui-ci la parole : O mes fils, Allâh a élu pour vous la religion (ad-dîn) ; ne mourrez pas sans être des soumis (Cor, 2, 132) ; d’autre part parce que, selon sa signification suprême, ce terme est interprété ici par référence à la notion de ‘uqûba (rétribution, sanction), vocable qui appartient à la même racine verbale que « Ya’qûb ».

La Sagesse correspondante est qualifiée de rûhiyya (spirituelle) ou de rawhiyya (« reposante ») selon la vocalisation que l’on adopte. La première interprétation se rapporte à la religion de l’Esprit universel, celle qu’Allâh a « élue » et que Ya’qûb a « recommandée » à ses enfants. Pour Qâchânî, il s’agit ici de la « Religion pure », telle qu’elle est évoquée par le terme fitra ; pour Bâlî, il s’agit plutôt des sciences communiquées dans ce chapitre, car elles procèdent de l’Esprit et ne peuvent être assimilées que par lui. A l’appui de cette interprétation, on rappellera que l’Aigle, désigné en arabe par le terme al-‘uqâb (également de la même racine que « Ya’qûb ») est lui-même un symbole de l’Esprit divin.

La seconde interprétation introduit des considérations plus complexes. Elle repose scripturairement sur une autre parole que le Coran attribue à Ya’qûb et qui, comme la première, prend la forme d’un conseil donné à ses fils : O mes fils… ne désespérez pas du Repos libérateur d’Allâh (rawh Allâh) ; en vérité, ne désespère du Repos libérateur d’Allâh que le peuple des mécréants. (Cor, 12, 87). Le terme rawh évoque non seulement l’idée de « repos » mais aussi celle d’un but atteint, d’un soulagement consécutif à une phase d’affliction et d’épreuve ; c’est le « repos qui marque l’arrivée », la paix qui met fin à l’affliction du cœur. Le Calife Alî a dit dans ce sens : « unissez-vous au repos de la certitude (rawh al-yaqîn) ». Initiatiquement, ce terme désigne la « Délivrance » obtenue grâce aux sciences spirituelles enseignées dans ce chapitre. Jandî, qui envisage uniquement cette seconde interprétation, mentionne dans son commentaire « la science des respirations et des souffles » (‘ilm al-anfûs wa-l-arwâh) ainsi que le hadîth selon lequel « le Souffle du Tout-Miséricordieux me vient à partir du Yémen ». Ces diverses indications montrent comment la notion de rawh permet de relier celle de rûh (souffle, esprit) à celle de râha (repos).

Par ailleurs, le terme rawh évoque l’aspect sensible de la respiration représenté par le parfum (al-rîh), mot qui ne diffère de rûh et de râha que par sa lettre médiane. Selon la Science des Lettres, rûh, rawh, râha et rûh apparaissent comme les états multiples d’une même racine et d’une même signification fondamentale(1) ; c’est ce qu’indiquent aussi ces deux hadîths, le premier cité par Qâchânî : « Les esprits ont une odeur comme les chevaux », et le second rappelé par le Lisân al-‘Arab : « Le parfum (ar-rîh) vient du rawh Allâh, c’est-à-dire de la miséricorde d’Allâh à l’égard de Ses serviteurs. » Rawh désigne plus spécialement le nasîm ar-rîh, c’est-à-dire le « parfum subtile » qui se répand tout d’abord, lorsque la bonne odeur n’a pas encore pris la plénitude de sa force. Tout ceci permet de comprendre pourquoi Jandî explique également la présente Sagesse par référence « à la théophanie et à la science divine manifestée dans l’odorat » ; d’autant plus qu’il justifie cette interprétation en citant un autre verset coranique relatif à Ya’qûb : En vérité, je décèle de parfum de Yûsuf (rîh Yûsuf). Puissiez-vous ne pas m’accuser de radotage (Cor, 12, 94.) Le fondement de cette facon de comprendre rawhiyya est, lui aussi, d’ordre métaphysique, car le « parfum subtil » envisagé ici est, en réalité, celui d’al-wujûd.

La Sagesse propre de ce chapitre n’est donc pas seulement une sagesse spirituelle, mais aussi une sagesse du parfum subtil et de la Délivrance. Les données de la tradition islamique montrent comment ces trois aspects complémentaires d’un même type de réalisation initiatique ont été rapportées par Ibn Arabî à sayyidnâ Ya’qûb.

(1) Râha, rûh et rîh diffèrent essentiellement par leurs lettres médianes yâ, wâw et alif, qui symbolisent le Pôle Suprême. Celui-ci, envisagé en tant que « Maître des trois mondes » « soutient l’univers par sa respiration ». On soulignera la parfaite conformité de ces termes avec la signification universelle de ces trois lettres : rîh se rapporte plus spécialement à l’homme individuel, sous sa double modalité « grossière » et « subtile », rûh à l’état supra-individuel et râha à l’être principiel. (Charles-André Gilis, pp. 235-237)
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