JDA

Selon lui, la police d'aujourd'hui ne pouvait plus se permettre de rester dans les clous à longueur de journée, le petit doigt sur la couture, à opiner du chef dès lors que la hiérarchie leur hurlait des ordres parfois dénués de sens. Elle avait besoin de ces indics, ces "tontons", qui rencardent et informent, elle avait parfois besoin de prendre le dessus de façon musclée pour soutirer des informations et enfin, elle avait parfois besoin d'enfreindre une loi quelque fois mal faîte afin de rétablir l'ordre.

Tom commença par le rituel administratif d'une mesure de garde à vue. Inventaire des affaires de l'individu en sa présence, demande d'assistance par un avocat, visite d'un médecin, etc. Il avait ensuite placé l'individu en cellule, afin de le faire réfléchir avant la première audition.

Il savait que le temps était compté. Les vingt-quatre premières heures étaient décisives, il fallait les utiliser à bon escient. D'une part, afin d'apprendre le maximum d'informations intéressantes et nécessaires à l'avancée de l'affaire et d'autre part, afin de permettre, si besoin est, la prolongation de la garde à vue de vingt-quatre heures. 

La scène qui s’offrait à eux n’était pas belle à voir. Malgré le peu de lumière fournie par l’éclairage public, l’ombre visible s’apparentait facilement à un être humain. Le corps se trouvait là, à moitié enseveli par des immondices en début de décomposition. Face vers le ciel, les yeux grands ouverts, Chloé n’avait pu éviter ce regard vide, dénué d’émotion, absent. Les mains présentaient des griffures profondes, de la chair manquait. Il s’agissait certainement du fruit de quelques animaux fouinant les détritus. Répugnant. La cause du décès n’était pas identifiable en l’état. L’autopsie éclaircirait tout ceci d’ici quelques jours. L’identité judiciaire se faisait attendre. Il fallait immortaliser la découverte pour pouvoir enlever le corps. Le fond du conteneur cachait peut-être un élément important. Mareval en doutait mais la vérification était indispensable.

Le jour venait de se lever lorsque Tom s’apprêta à quitter son appartement. Il vérifia une dernière fois son sac à dos et son porte-documents. Les traits de son visage trahissaient une nuit d’insomnie. Laura, sa compagne, le serra dans ses bras et lui chuchota un mot de soutien à l’oreille. Il l’embrassa, sortit et s’installa dans sa voiture. Elle le regarda depuis l’embrasure de la porte et lui adressa un petit geste en signe d’encouragement. Il parcourut les quelques kilomètres distants de son lieu de travail en écoutant son émission matinale favorite ce qui lui permit d’oublier la fatigue l’espace d’un instant.

Ton entrepôt m’a tué

Les documents récupérés, Tom fit un dernier tour du hall avec son équipe puis ils reprirent la direction de l’hôtel de police. Il tentait de mettre les premiers éléments en ordre chronologique afin de reconstituer les faits et partager sa réflexion avec Jimmy.

— Des individus pénètrent dans l’enceinte durant la nuit, découpent une porte, entrent sans que l’alarme ne fonctionne, subtilisent l’équivalent d’une semi-remorque de marchandises, et repartent... Culottés, mais efficaces ces gars-là !