Jordanès

Le titre de cette traduction, "Histoire des Goths", risque d'induire le lecteur moderne en erreur. Si l'on est curieux d'en savoir plus sur les Germains et sur leurs invasions des terres romaines, et sur la façon dont la chose a été vécue par envahisseurs et envahis, il ne faut surtout pas lire des textes contemporains des événements ! L'historien antique obéit à des codes, à une rhétorique, à des méthodes que nous ne comprenons plus, et il est porteur de visions du monde et de l'histoire qui ne sont plus les nôtres. Jordanès, comme Orose, Zosime et quelques autres écrivains des V° et VI°s, ne peuvent être lus directement : il nous faut le filtre de la science historique moderne pour nous les éclaircir, et dans le cas des Goths, il est indispensable de lire le grand livre de Suzanne Teillet, "Des Goths à la nation gothique", ou bien les beaux travaux de Bruno Dumézil, ou encore "Les derniers jours" de Michel de Jaeghere. Ce livre-ci a le mérite d'exister en tant que document d'époque, mais ne nous fournit aucune clé de décryptage, puisqu'il est contemporain des faits racontés. Celui qui voudra absolument lire des originaux devra se procurer des éditions lourdement annotées, comme celle de Jordanès parmi les auteurs médiévaux, ou de Zosime dans la collection grecque, les deux aux Belles-Lettres, où une page de l'auteur en demande parfois cinq ou six d'explications modernes.

Grand amateur de nos historiens antiques, y compris en langue originale, cet ouvrage m'a beaucoup déçu. Jordanès n'est pas très agréable à lire. Son style est assez haché et son récit truffé de confusions et de raccourcis. Les premiers chapitres sur l'origine des Goths présentent peu d'intérêt tant ils sont dans l'à peu près. Pour la période immédiatement contemporaine de son époque, c'est à peine à mieux. Heureusement les notes de fin d'ouvrage remettent un peu les chose d'aplomb mais du coup le récit de Jordanès n'en paraît que plus futile.