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Citation de Ziliz


 L'Express
■ Alors que l'homme politique [Ph. de Villiers] sort un livre sur la construction européenne, L'Express a interrogé plusieurs historiens, atterrés que ces opinions fantaisistes occupent une telle place médiatique.

On l'a vu sur C8, France inter, Europe 1, BFM TV... Pour la sortie de son livre 'J'ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu' (Fayard), télés et radios n'en finissent plus d'inviter Philippe de Villiers pour parler de son "travail d'historien" (c'est l'intéressé qui l'affirme dans 'Les Terriens du samedi').
Le politique peut ainsi détailler sa version de la construction de l'Europe, Europe contre laquelle il s'érige depuis plusieurs décennies.
"Il a mené ses recherches jusqu'au bout du monde, à Stanford, à Berlin, à Moscou et partout où pouvaient se trouver des documents confidentiels récemment déclassifiés. Et les archives ont parlé. Elles ont livré des secrets dérangeants", explique la quatrième de couverture de cet ouvrage.
"L'envers de l'Europe est apparu. Ce n'est pas du tout ce qu'on nous avait dit. De ce travail d'enquête, Philippe de Villiers a fait un livre de révélations sur le grand Mensonge. Il a résolu de publier les preuves."
(…)
Jean-Christophe Piot est, comme Philippe de Villiers, vulgarisateur historique, indique-t-il à L'Express. Pour autant, il n'est pas convaincu par la posture avancée par le président du Mouvement pour la France.
"On présente son livre comme un travail historique, alors qu'il s'agit d'un travail de compilation et d'interprétation. Il prétend révéler des choses sans qu'il n'y ait rien de neuf, et sa technique manque cruellement de méthodologie, puisqu'il garde pour appuyer sa thèse des éléments qui l'intéressent, mettant de côté les autres."
(…)
Par ailleurs, Philippe de Villiers est un habitué d'une certaine réécriture de l'histoire, poursuit Guillaume Mazeau, auteur du livre 'L'Histoire comme émancipation' coécrit avec Laurence de Cock et Mathilde Larrère (éditions Agone). "Le Puy du Fou, qu'il a lancé en 1977, est une machine de guerre qui nourrit tout l'imaginaire historique du nationalisme européen. Et on donne une visibilité démesurée à ces mensonges, car c'en est. C'est un vrai problème." Clément Salviani, doctorant en archéologie et agrégé d'histoire, rappelle à L'Express que Philippe de Villiers est aussi partisan d'un "scénario historique fantaisiste", celui du génocide vendéen "capitalisant ainsi depuis vingt ans sur la question du débat identitaire en France".
C'est une bonne chose que l'histoire se partage et qu'il n'y ait pas que des universitaires dans les médias, assure Guillaume Mazeau. "En revanche, le problème, c'est quand ces 'historiens', tous des hommes d'ailleurs, occupent un quasi-monopole, et que le service public, radio ou télé, les présente comme tels."
Car oui, Philippe de Villiers est libre d'écrire ce qu'il veut, et heureusement. Il est même tout à fait libre d'en faire la promotion sur tous les plateaux possibles, poursuit Jean-Christophe Piot. "Mais ce qu'il a écrit est un essai. La méthodologie en histoire, on met des années pour l'acquérir. Ce n'est pas parce qu'on va examiner quelqu'un qu'on est forcément médecin !" Même regret du côté d'André Loez, historien spécialisé dans la guerre de 1914-1918 joint par L'Express. "On ne peut pas discuter de l'histoire comme d'une opinion, il y a cette indistinction entre les genres propre à notre époque qui est dérangeante". De quoi se demander ce que ces experts aussi décriés font donc à la télévision ou à la radio. "Quand est-ce qu'on arrête de donner à ces gens une légitimité médiatique ?", s'interroge Clément Salviani.
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Le problème, de l'avis de tous nos interlocuteurs, est le manque de contradiction apportée par les journalistes. "Les médias ont un problème avec l'histoire, assène Clément Salviani. Le système médiatique ne laisse pas de place à la contradiction. Prenons Lorànt Deutsch, Franck Ferrand ou Patrick Buisson, ils n'ont jamais de contradicteurs face à eux. Le premier parle beaucoup, très vite, avec un certain style ampoulé d'ailleurs... C'est impossible de placer un contradicteur face à lui qui puisse donner lieu à autre chose qu'un échange de position ad hominem."
(…)
Or, dans le jargon médiatique, ces interlocuteurs sont de "bons clients", à l'aise à l'oral et doués pour répondre aux questions ; mécaniquement, ils intéressent donc les journalistes radio et télé... et les auditeurs. Malheureusement, note Guillaume Mazeau, les idées les plus spectaculaires et accrocheuses sont celles qui sont le plus souvent retenues. "N'oublions pas Stéphane Bern qui résume l'histoire à travers les princes et les princesses... Comme si la totalité des gens lambda n'avaient aucune place dans l'histoire !" Pourtant, si les historiens n'ont pas forcément la même temporalité que les médias, il existe suffisamment d'historiens spécialisés dans la vulgarisation pour qu'on ne les oublie pas, remarque Sébastien Cote. Guillaume Mazeau croit dur comme fer en une réappropriation médiatique. "Je suis certain que raconter l'histoire du peuple d'une manière généreuse, une histoire belle et sombre, est bien plus intéressant et pas moins vendeur qu'une histoire purement manichéenne. Il faut juste savoir le faire."

- article de L'Express, Audrey Kucinskas, 13/03/2019
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