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Citation de AuroraeLibri


Le crime de Darwin
Edito
« Beaucoup de naturalistes commencent à trouver enfantin le créationnisme de la Genèse. » Cette réflexion de Jean Rostand, tirée de son Esquisse d'une histoire de la biologie , date de 1945. On peut estimer qu'à ce moment-là le savant français usait d'une litote et que la plupart des scientifiques avaient, quand ils étaient croyants, cessé de prendre la Bible à la lettre. L'Église de Pie XII elle-même admettait la lecture symbolique de l'Écriture. Or ce créationnisme jugé enfantin par Rostand a repris force, particulièrement aux États-Unis, où il s'est paré d'une dimension politique. Cette année encore, Darwin risque bien d'être mêlé à la campagne électorale présidentielle.

En quoi Darwin dérange ? Il dérange les fondamentalistes de tous bords, et d'abord chrétiens, qui lui reprochent d'être incompatible avec la littéralité de la Bible. Pourtant, contrairement à l'idée reçue, il n'est pas le premier à avoir mis au jour le mécanisme de l'évolution des espèces. Pour citer un nom français, Lamarck,

un demi-siècle avant lui, avait défendu une thèse de l'évolution des espèces contre le fixisme répandu. Mais la théorie de Lamarck prêtait à l'évolution un sens positif de perfectionnement, du moins bien au mieux, du simple au complexe, l'homme étant l'aboutissement. Lamarck était athée mais il ne se mettait pas en contradiction avec l'idée chrétienne d'un sens de l'histoire.

Le crime de Darwin est d'avoir brisé tout finalisme dans l'évolution : le hasard, selon lui, y a présidé. La sélection naturelle n'a plus rien du progrès humaniste ou du providentialisme chrétien. L'homme n'a pas été créé à l'image de Dieu, il est le résultat d'une sélection à l'aveugle. Une sorte d'accident. Pour les croyants, la querelle pose la question des rapports entre la science et la religion. Les Églises s'emploient à montrer qu'il n'y a nulle incompatibilité entre les deux grands registres de la Connaissance. Il n'empêche, la théorie de Darwin qui confère au hasard la création de l'homme pose quelque difficulté : comment réintégrer cette découverte, si elle est vérifiée, dans le plan de la Providence ? Les humanistes même matérialistes ne sont pas mieux servis. Après Darwin il devient difficile de légitimer la théorie du Progrès qui est à la base de l'optimisme libéral autant que marxiste. Ne demandez pas le programme : l'avenir de l'espèce humaine est inconnu.

Notre « Événement » du mois est consacré à la Russie de Poutine, objet aujourd'hui de toutes les supputations. Marie Mendras résiste, en spécialiste, aux interprétations bienveillantes qui défendent l'idée d'un progrès de la démocratie depuis Boris Eltsine.

L'Histoire
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