Poèmes de 1507 à 1530
III - SONNET CAUDÉ SUR LE PLAFOND DE LA SIXTINE
À travailler tordu j’ai attrapé un goitre
comme l’eau en procure aux chats de Lombardie
(à moins que ce ne soit de quelque autre pays)
et j’ai le ventre, à force, collé au menton
Ma barbe pointe vers le ciel, je sens ma nuque
sur mon dos, j’ai une poitrine de harpie,
et la peinture qui dégouline sans cesse
sur mon visage en fait un riche pavement.
Mes lombes sont allées se fourrer dans ma panse,
faisant par contrepoids de mon cul une croupe
chevaline et je déambule à l’aveuglette.
J’ai par-devant l’écorce qui va s’allongeant
alors que par-derrière elle se ratatine
et je suis recourbé comme un arc de Syrie.
Enfin, les jugements que porte mon esprit
me viennent fallacieux et gauchis : quand on use
d’une sarbacane tordue, on tire mal.
Cette charogne de peinture,
défends-la Giovanni*, et défends mon honneur :
suis-je en bonne posture ici, et suis-je peintre** ?
p.39-40
* : Adressé à Giovanni da Pistoïa
** : Autrement dit : sculpteur, je ne peins ici que malgré moi.