« J'essaie de travailler à cet endroit » : la première fois qu'on l'a entendu, on n'a pas très bien compris. « Lui, il n'est pas à cet endroit-là » : la seconde fois on a essayé de réfréner un haussement de sourcil. « A partir du moment où on est à cet endroit, tout est permis » : la troisième fois, on a compris notre incompréhension. Spatialiser les enjeux esthétiques permet de faire du 1 000 en 1. Évoquer, d'un même geste, une recherche, un positionnement, un goût, une originalité, une spécificité. Une identité aussi, lois de la physique oblige : on ne peut être qu'à un seul endroit ; et un endroit ne peut contenir qu'une seule personne. La quatrième fois, c'est de notre bouche que « cet endroit » a failli s'envoler. Les expressions, c'est comme la grippe l'hiver : hautement contagieux.
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Post : le préfixe qui fait sérieux - « Post » : béquille linguistique applicable à tous les domaines, périodes et concepts préexistant, à dégainer sans modération. Exemples : Postmoderne, postcontemporain, postinternet, postconceptuel, postgenre, postidentitaire, posthumain, postdémocratie, postindividualiste, postpolitique... Reproductibles à souhait, ces néologismes - « post » leur labellisation universitaire – prolifèrent très rapidement en milieu médiatique et culturel. Exemple : dans « Les Échos », le professeur à Sciences po Matthieu Laine qualifie Emmanuel Macron de « postpoitique » (ex. le collectif DIS, Cory Arcangel), assurez-vous qu'il soit né « post » 1970, présent sur les réseaux sociaux et les moteurs de recherches, équipé d'un Macbook et d'un smartphone (facile !). Ne pas hésiter à doubler le préfixe en cas d'obsolescence programmée. Exemple : post-postmodernisme.
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