Musée de la céramique de Rouen

Ce très intéressant catalogue est celui consacré aux "Faïences révolutionnaires" dans les expositions, Rouen au Musée de la céramique, du 25 février au 31 aout 1989, et à Auxerre, Musée Leblanc-Duvernoy, du 15 septembre 1989 au 8 janvier 1990.

Le Bicentenaire de la Révolution française avait vu surgir nombre de films, de téléfilms, de défilés, de fêtes commémoratives, de documentaires et d'expositions consacrés au plus grand bouleversement de l'Histoire de France.

Nous connaissons tous les grandes oeuvres picturales et sculptées sorties de l'inspiration "révolutionnaire" des plus grands artistes de cette fin du XVIIIe siècle : "Le Serment du Jeu de paume", "La Mort de Marat", "les Sabines", etc. Mais l'inspiration de cette époque troublée n'a pas "infusé" que dans les arts majeurs. Des artisans anonymes, fabricants d'estampes, cartiers (je me souviens d'un très beau jeu de cartes révolutionnaires exposé au musée de l'Imprimerie de Lyon), potiers, faïenciers, etc ont aussi produit des oeuvres qui portent toutes témoignage de cette époque pleine d'ébullition et de changements.



Ce catalogue d'exposition de faïences révolutionnaires montre toute l'activité intense qu'ont eu les centres producteurs de faïences, surtout Nevers et, dans une moindre mesure, Rouen. On peut suivre toutes les étapes révolutionnaires dans ces faïences qui sont, dans leur grande majorité, des objets du quotidien, portant les émouvantes traces de leur utilisation. En 1788 ces faïences, principalement en usage dans la bourgeoisie, sont des plats, des assiettes, des saladiers ou des plats de barbier montrant des décors monarchiques traditionnels : fleurs de lys, couronnes, vive le Roy de France, etc.

Puis "on enclenche la première" : début 1789 apparition de décors dits "aux Etats Généraux" avec des inscriptions "Vivent le Roy et les Etats Généraux". Ensuite "on passe la seconde" et un très grand saladier montre le décor de la Prise de la Bastille avec une représentation naïve mais proche de la réalité de la vieille forteresse honnie.

L'Histoire accélère et la Déclaration des droits de l'Homme est célébrée dans des décors clamant "La Loi et le Roi", ou "Les Droits de l'Homme et du Citoyen". et un bel écritoire en faïence proclame "Vive la nation, la loy et Le Roy, 1791".



Aucune étape de la révolution n'échappe aux artisans faïenciers qui, à leur manière, se font chroniqueurs de l'Histoire : multiples assiettes célébrant la liberté, les "bonnets de la liberté" (= bonnets phrygiens), la "Liberté ou la mort", cafetière "Vive la Nation", décors symbolisant la cocarde nationale, "Vaincre ou mourir, 1793", etc.

Et, parfois, des inscriptions presque à contre courant comme ce "J'aime ma patrie et mon roi comme moi-même, 1792" sur un plat de barbier, "à cette date une telle déclaration ne manque pas de courage" comme le souligne le catalogue. Ou ces "Il faut aller à la messe, 1792" ou "un bon patriote doit aller à confesse, 1793" sur un plat de barbier "preuve qu'on ne craint pas de conseiller la pratique religieuse" même dans les années les plus houleuses.

La Révolution fut inspirante et protéiforme et ces multiples faïences, oeuvres d'artisans anonymes mais engagés dans leur époque, en sont une preuve supplémentaire.



Un beau catalogue sur une passionnante période historique vue à travers un support -la faïence- moins prestigieux que la porcelaine, mais grâce à cela étant au plus près de la réalité de la Révolution.