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Citation de Partemps


Reza Afchar Naderi

Vous vous intéressez beaucoup à la question de la forme poétique, considérant qu’il doit y avoir une « survie dynamique d’un patrimoine antique à l’intérieur d’une révolution formelle » : ce qui fait pour vous la force des poètes persans qui connaissent littéralement par cœur les grands classiques, avant même de se permettre des libertés avec la métrique. Vous citez Aragon comme le dernier des poètes français qui aurait réussi ce tour de force d’incarner l’esprit d’un peuple et d’une langue tout en réinventant la sienne. Mais quelle leçon en tirez-vous pour la poésie française ? Comment se réapproprier une tradition évanouie ? Les Iraniens disent du Hafez quand personne, en France, ne rêve plus de la poésie de Villon…

En effet. Les Français n’ont pas fait le travail qu’ils auraient dû faire il y a un demi-siècle, quand Aragon portait encore le flambeau. Facilité ? Paresse ? Sentiment de supériorité culturelle ? Certitude que tout a déjà été dit et qu’on se repose sur un héritage qui, aujourd’hui, a sombré dans les manuels d’histoire littéraire ? Fascination pour une (fausse) modernité qui fait de l’art une discipline cultivée « hors-sol » ? Dans son Crève-cœur, Aragon disait qu’il « n’est pas vrai qu’il n’est point de rimes nouvelles dans un monde nouveau ». Or nous assistons, dans cette deuxième décennie du XXIe siècle, à une absence totale de règles poétiques s’inscrivant dans la continuité de la grande poésie française — celle de Villon, de Boileau ou de Baudelaire. La règle est devenue celle de la non-règle. Avec son cortège d’absurdités, de jeux formels vides de sens, de mots d’ordre sans conséquences et d’ennui mortifère. Vous me demandez comment se réapproprier la tradition évanouie, cultivée jadis par les grands noms de la poésie française ? Écoutez plutôt ce qui se dit en ce moment autour de nous, dans les médias et sur les forums de discussion depuis les attentats du 7 janvier 2015. Jamais la nécessité d’une appartenance à l’identité française n’a semblé aussi sensible. Peut-être que ce traumatisme national donnera enfin le coup d’envoi (bien cher payé, il est vrai) d’une adéquation entre les racines culturelles de la France et la production artistique contemporaine — celle-ci s’avérant profondément gangrenée. Peut-être que ce pays auquel je tiens tant saura éviter de sombrer encore plus (je pèse mes mots) dans la décadence culturelle où il est bien engagé.
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