Sahib

Si vous avez des officiers de marine parmi vos ancêtres, à un moment ou à un autre une grand-mère ou un parent vous offrira probablement ce livre. Sinon, il fait partie des rencontres très improbables ! Cet ouvrage illustré humoristique compte parmi les ancêtres de la bande dessinée. A l’âge des débuts des bateaux à vapeurs, on suit le voyage autours du monde d’un navire à voile, traditionnel et imaginaire : l’Incomprise. Quel beau nom !



Il nous fait pénétrer dans un petit monde aussi à part que méconnu : celui des aspirants de marine, à mi-chemin entre les officiers et les matelots. Majoritairement très jeunes, leur paye est peu élevée et leur vie agitée ! A terre, elle n’est pas très différente de la Bohème, à part qu’ils changent de ville au gré des escales et des affectations. En mer, il faut supporter les conditions de vie assez spartiates, la dureté des tâches, l’ennui des longues traversées, et pour cela compter avant tout sur la camaraderie.



On découvre leur humour, leur gouaille et leur goût de la plaisanterie ; également leur romantisme exacerbé. Il faut dire que le bateau a embarqué quelques passagères, objets de toutes les attentions !



On suit donc les aventures de Gigou, Popolino, leurs comparses et leur chien Gobergeo à travers le monde, à la recherche d’un amour impossible pour certains, d’un lieu où implanter un observatoire d’astronomie officiellement, et à la bonne fortune pour tous les autres. Ils iront jusqu’à Tahiti, et au-delà.



Bien sûr on est en plein XIXème siècle, et les plaisanteries sur les Vénus Hottentotes et la naïveté des africains paraissent aujourd’hui bien racistes. Mais quand elles ont été écrites, il y avait à peine quarante ans que l’esclavage avait été aboli... Du reste elles ne sont pas bien méchantes – l’ensemble reste largement moins chargé que Tintin au Congo.



Les dessins à la plume de Sahib sont d’excellente qualité et pétillants de verve. Il a l’air de bien connaître la marine à voile, au moins comme sujet d’étude.



Au fil de l’histoire on découvre également des éléments sur la vie des matelots, sur les rapports entre marins « à voile » et « à vapeur », encore concurrentes à l’époque.



Un témoignage très drôle sur l’époque révolue de la marine à voile, qui casse l’image guindée qu’on pouvait avoir des officiers de marine !