LE PAON
À Camille Mauclair.
Extrait 3
Furieux contre cette importune voyance,
je voulus crever les espions — quand, sou-
dain, se cabrant à la manière d’un feu d’ar-
tifice, le Paon s’écria :
— « Jadis, Insensé, ma roue courtisait ton
aube, et mon madrigal effarouchait ta mo-
destie rose ; maintenant, ma roue vrille ton
clair de lune, et ma satire énerve ta modestie
verte. Sache, bon gré mal gré le Poëte exécu-
te un spectacle de la boîte-aux-langes à la
boîte-au-linceul, et chacun des pantins est
le seul jardinier des yeux qui le poursuivent.
Crève-les, si tu peux, mes yeux refloriront.
Ton être appartient à la foule — et je suis
l’Opinion. »
Depuis, envieux du paysan calme parmi
le trèfle et que protège l’ignorance, je n’o-
se plus être bon ni mauvais, pour ne pas
éveiller l’extraordinaire vision.
Oh ! vivre au cœur des solitudes, une pierre
sépulchrale au dessus de ma vie !
p.225-226