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Citation de Partemps


POÈME POUR LA FEMME
SYU THONG-KHING

Un paon s'envole vers le sud-est,
Tous les cinq li, il va et vient.
Tristement une jeune femme dit à son mari :
« A treize ans, je pouvais tisser,
A quatorze ans, j'apprenais à couper,
A quinze ans, je jouais de la musique,
A seize ans, je lisais poèmes et histoires,
A dix-sept ans, je devins ta femme.
Mon cœur est toujours triste et peiné.
Toi, tu es fonctionnaire de la préfecture.
Voulant t'être fidèle, mon amour est constant.
Mais que je suis seule dans cette chambre vide !
Tous les jours, je te vois si rarement.
Dès que le coq chante, je commence à tisser.
Chaque nuit, jamais je ne puis me reposer.
Je fais cinq pièces en trois jours.
Tes parents me reprochent d'être trop lente.
Oh ! ce n'est pas qu'au métier que je suis lente !
Dans ta famille, une épouse est malheureuse !
Je ne puis être esclave,
A quoi sert d'y rester encore !
Va t'en parler à tes parents,
Qu'ils me renvoient tant qu'il est temps ! »
Le fonctionnaire entendant cela,
Monta dans la salle et dit à sa mère :
« Déjà le sort de ton enfant n'est pas brillant.
Mon seul bonheur est d'avoir une charmante femme.
Ensemble nos cheveux ont été noués,
Ensemble nous couchons dans le même lit.
Ensemble nous voulons rester amis sous la terre !
Éternellement nous serons unis !
Depuis quelques années à peine nous sommes époux,
Ce n'est pas de longtemps...
Cette femme se conduit sincèrement.
Pour quel motif la blâmes-tu ? »
Furieuse, la mère lui répondit :
« Mon fils, que te considères-tu si bas !
Impolie et manquant de respect,
C'est à son gré seul qu'elle veut agir.
Depuis longtemps ma décision est prise.
Te crois-tu donc tout à fait libre ?
Notre voisin de l'est a une gentille fille
Qui s'appelle Lou-fou ;
Rien n'est comparable à son beau corps !
Je vais la demander en mariage pour toi.
Renvoie vite cette maudite femme.
Qu'elle ne reste plus ici ! »
A genoux, le fonctionnaire supplia :
« Écoute-moi, écoute-moi, ma mère !
Si tu renvoies ma pauvre épouse,
Je passerai ma vieillesse solitaire. »
La mère l'entendant parler ainsi
Frappa le lit et éclata en colère :
« Mon petit, tu n'as donc rien à craindre,
Tu oses plaider la cause de ta femme !
Oui, je suis méchante et peu généreuse,
Mais jamais je ne me soumettrai ! »
Le fonctionnaire sans répondre
Saluait deux fois sa mère et rentrait dans sa chambre.
Il voulait en raconter à sa femme,
La gorge si serrée, qu'à peine il pouvait parler :
« Ce n'est pas moi qui te chasse...
Mais ma mère l'exige...
En attendant, rentre d'abord chez toi,
Moi, je vais à la préfecture.
Et sous peu, je reviendrai.
A mon retour, j'irai te chercher.
Calme ton cœur en pensant à moi.
N'oublie pas mes paroles ! »
La jeune femme répondit à son mari :
« Ne discutons plus...
Souviens-toi qu'autrefois,
Au moment de notre mariage,
C'était le dixième mois de l'année,
Je quittai ma famille pour venir dans la tienne.
Obéissante aux ordres de mes beaux parents,
Je n'ai jamais dirigé les affaires moi-même.
Jours et nuits, je travaille sans cesse.
Quoique fatiguée et seule,
Je n'ai jamais osé me plaindre.
Je me crois sans défaut
Et espère de vivre paisiblement.
Oh ! malgré tout mon dévouement,
Je suis chassée et renvoyée !
Pourquoi parler de revenir !
J'ai une belle jupe brodée,
Ses franges lumineuses scintillent ;
Une moustiquaire doublée de soie rouge,
Des sachets parfumés se balancent aux quatre coins.
J'ai encore une soixantaine de malles
Entourées de fines cordes bleues et vertes.
Tous les objets diffèrent les uns des autres :
Tout est là, dans ces caisses.
Abjecte comme je suis,
Mes objets sont donc comme moi, méprisables,
Indignes de faire partie du trousseau
De celle qui viendra à ma place.
Garde-les quand même pour les distribuer en aumônes
Dès aujourd'hui, nous ne nous reverrons plus !
Console-toi, mon cher ami.
Jamais ne nous oublions ! »
Au dehors, les coqs chantaient et le jour parut.
La femme se leva et se coiffa gentiment ;
Elle revêtit une jupe de belle broderie ;
Quatre ou cinq fois, elle s'examina.
Aux pieds, elle mit des souliers de soie ;
Sur la tête un peigne d'écaille brillante.
Sa taille enveloppée de crêpe blanc
Est comme de l'eau qui serpente.
Deux jades ronds croissants de lune pendent à ses oreilles.
Ses doigts si fins ressemblent à des oignons taillés.
Et sa bouche aux perles rouges est si jolie !
Doucement elle s'avança à petits pas
Gracieuse et exquise, sa beauté n'a pas de rivale.
Elle arriva dans la salle et salua sa belle-mère,
Celle-ci ne cessa de se fâcher.
« Née d'une famille humble,
Je n'ai pas d'éducation,
Aussi ai-je honte d'être épouse d'un noble.
J'ai reçu tant d'argents et d'étoffes,
Je ne puis travailler selon votre volonté.
Aujourd'hui je retourne chez moi,
Je regrette de vous laisser seule
A supporter les fatigues du ménage ! »
Puis elle fit ses adieux à sa petite belle-sœur.
Ses larmes tombent comme des perles désenfilées :
« Quand j'arrivai ici,
Tu ne pouvais que t'appuyer sur le lit.
Aujourd'hui je suis chassée,
Tu es haute comme moi.
Sois dévouée à tes parents.
Aide-les soigneusement.
Aux jours de congé, en t'amusant.
Pense à moi !... »
Elle quitta la porte, monta dans la voiture et s'en alla.
Ses larmes coulent sans cesse.
Le cheval du fonctionnaire marcha en avant,
La voiture de sa femme le suivit.
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