L'esprit humain ne peut accumuler des expériences, sans exercer simultanément 5ur elles sa faculté spéculative. Le premier résultat de cette réflexion naturelle est le système des concepts du langage. Dans tous les domaines de l'expérience humaine, il y a donc certains concepts que la science trouve tout faits, avant de se mettre à l'œuvre ; ils sont la conséquence de cette réflexion primitive, qui a laissé, dans les symboles de concepts du langage, des traces permanentes de son action. Ainsi, la chaleur et la lumière sont des concepts du domaine^ de l'expérience externe, et ils ont eu directement pour origine l'impression sensorielle. La physique de nos jours les subordonne tous deux au concept général du mouvement ; mais il aurait été impossible d'atteindre ce but, si on n'avait pas préalablement admis les concepts de la conscience générale et débuté par leur examen. L'âme, l'esprit, la raison, l'entendement, etc., ne sont autre chose que des concepts qui existaient avant toute psychologie scientifique. La conscience naturelle présentant partout l'expérience interne, comme une source de connaissances à part, la psychologie peut donc voir, provisoirement dans ce fait, un témoignage suffisant de son droit scientifique ; et, du même coup, elle adopte le concept de l'âme, afin de circonscrire, par ce moyen, tout le domaine de l'expérience interne.
Grâce aux sensations, qui y sont liées, les mouvements sont capables de manifester leur influence sur les représentations tactiles. Or, les sensations de mouvement peuvent se combiner de trois manières avec les sensations tactiles proprement dites : 1° Lorsque, en promenant notre organe tactile sur les objets, nous touchons ainsi successivement des points diversement éloignés, des sensations de mouvement de différent degré se combinent avec une seule et même sensation tactile. 2° Nous pouvons toucher notre propre organe tactile ; alors, la sensation de mouvement et celle de tact affectent généralement des parties différentes. 3° Quand nous mouvons simplement nos membres, les tensions et pressions, que ces organes exercent les uns sur les autres, engendrent les deux sensations, qui s'associent. Probablement, cette troisième liaison, qui sert directement de base à la représentation de notre propre mouvement, jouera un rôle spécial dans le premier développement des représentations tactiles extérieures.
Cet ouvrage, que je livre à la publicité, essaie de délimiter un nouveau domaine de la science. Je suis bien convaincu, que cette tentative peut surtout faire douter, si son heure est actuellement venue. Certes, les bases fondamentales anatomo-physiologiques de la branche de la science, que j'étudie ici, ne sont pas toutes complètement assurées, et même le traitement expérimental des questions psychologiques est absolument- à ses débuts. Mais, pour s'orienter sur la situation ou position exacte d'une science naissante, le meilleur moyen, c'est — personne ne l'ignore — de découvrir les lacunes encore existantes. Plus imparfait à cet égard sera un premier essai, comme celui-ci, plus il exigera des améliorations. D'ailleurs, précisément en ce domaine, la solution de nombreux problèmes a une étroite connexité avec d'autres faits, qui souvent sont en apparence éloignés, de sorte qu'un coup d'œil jeté sur l'ensemble amène à découvrir la véritable voie.