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Citation de Partemps


u jour le jour l'étau. Prisonnier ! Qu'est-ce à dire ? Une cellule tout ce qu'il y a de plus cellule : 2,30 mètres x 1,30 mètre environ.

Écrire.

Est-ce l'épreuve seule qui a fait de nous ce que nous sommes devenus, dans notre rapport l'un à l'autre, dans nos rapports aux autres ? Il a fallu nous connaître, nous faire mal,
errer de piétinements en balbutiements, nous taire et nous isoler faute de comprendre, triompher allègrement lorsqu'un rayon de lumière venait nous révéler une nouvelle
acception de la tendresse, épauler notre désarroi, nous ouvrir la voie pour une étape inédite. Puis nous nous sommes mis à parler à mesure que le monde autour de
nous devenait plus réel, à mesure que la poésie nous humanisait, à mesure que notre peuple par ses luttes et ses sacrifices nous octroyait une patrie vivable, à mesure
de notre propre réveil au don. Tout ce périple, au bout duquel nous avons découvert que nos mains se ressemblaient terriblement, où nous avons découvert la
fraternité.

Écrire.

De nouveau cette nuit incommensurable. Un avion surgit brusquement dans le silence. Son vrombissement éclate comme des orgues aériennes détraquées. Il doit s'apprêter
à atterrir. Pourquoi est-ce si poignant ? Et mon corps comme une caisse de résonance qui fourmille de partout. Tu vois, un rien déclenche en moi ta présence, ce qui ne peut
être simple souvenir mais vécu vibratoire qui me secoue sur mon grabat, me serre la gorge, me fait déposer le stylo, allumer machinalement une cigarette et m'éloigne dans
cet espace croisé qui défie le temps et où nous marchons côte à côte, comblés.

Écrire.

Dois-je l'avouer. Je n'ai qu'une relative confiance en les mots, quand bien même je les tourne et les retourne dans tous les sens, les prononce à haute voix pour vérifier si le
timbre n'en est pas fêlé, s'il ne s'est pas glissé dans le nombre quelques unités de mauvais aloi. Et quand je les enfile et ordonne, je dois me relire et me relire pour
m'assurer encore que ce que j'ai écrit n'est ni ésotérique ni étranger à ce qui est recevable comme le fonds commun de nos peines et espérances. Écrire est
une telle responsabilité. Et du moment que je l'assume (oh oui je l'assume), il n'est pas possible de biaiser, de se contenter de l'à-peu-près. Il faut pouvoir défendre
chaque mot, chaque phrase, et si possible n'avoir rien à défendre, faire en sorte qu'ils s'adressent et s'imposent à la sensibilité de chacun comme ce crépitement
familier de la pluie indispensable à la terre, comme ces fleurs innombrables et souvent étranges sans lesquelles le printemps avorte.

Mais doucement mon intransigeance. Doucement démon rationnel de la poésie.

Écrire, écrire, ne jamais cesser. Cette nuit et toutes les nuits à venir. Encore une nuit où je ne peux qu'écrire, me heurter à ce silence qui me nargue dans son
idiome d'exil. Je me tends entièrement pour explorer cette voix de la nuit carcérale.
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