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Citation de Laureaimelire


Il aurait fallu naître ici. Sur les quais de Seine. Après, c'est fichu.

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L'Amérique est le pays du malheur : on y émigre parce qu'on est malheureux. On y transporte son malheur dans l'espoir de le perdre. Le laisser tomber du pont supérieur du bateau dans les eaux glauques de l'Océan, si possible.

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Nous raffolons du cinéma, du grand écran, nous aimons faire la queue pour acheter un billet, demander à la caissière s'il y a une réduction pour les retraités et espérer qu'elle nous demande une pièce justificative, haïr et engueuler les resquilleurs, nous installer dans une salle déjà plongée dans la pénombre, nous taper vingt minutes de miko-gervais-schweppes-coca-forfait illimité-bouyguesfrneuforange-freeösaije-3D-eau sauvage-crédit lyonnais-parking gratuit, écouter des gens se gratter, se racler la gorge, crachoter, chuchoter, froisser leur journal, parler dans leur téléphone mobile au-delà du générique du film, nous aimons les amoureux qui prennent position pour deux heures de pelotage ininterrompu et plus si affinités, et nous sommes friands des réactions des spectateurs, nos semblables, pendant le film, les rires, les pleurs (qui pleure ? plus personne ne croit au sentiments dans les films où d'ailleurs il y a bien plus de tirs de kalatch et de cervelles collées à la vitre des voitures que de sentiments), nous affectionnons de nous énerver contre les gens qui se grattent, crachotent, chuchotent, parlotent, téléphonaillent, froissent le papier des bonbons, mangent des popcorns, font rouler des canettes de Coca sous les sièges, se pelotent, se suçotent, se baisotent… et après, en sortant, quel bonheur, les réactions, les déceptions, les vaticinations, les explications, les récriminations, les imprécations… Et j'aime les amoureux qui sortent les derniers, titubant, les lèvres gonflées, er ceux qui, dans la rue, racontent la fin, la chute, tuent le dénouement inattendu devant les autres qui font la queue pour la prochaine séance…

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Le coup du Hongrois

Je rencontre mon ami X, le peintre bien connu.
- Comment vas-tu Andor, etc., etc., demande X, ennuyé, ennuyé par sa propre question.
- Figure-toi que je vais très bien !
Là, soudain, X m'écoute. C'est si rare, les gens qui vont bien et qui le disent.
- Oui. Le Musée des Trésors Sublimes des Plus Grands Artistes de Tout les Temps va exposer mes toiles !
- Ah, ce n'est que cela ? Je connais ce musée et je connais ses dirigeants. Ils vont te faire le coup du Hongrois. Prépare-toi.
- Seigneur Dieu, c'est quoi le coup du Hongrois ?
- Très simple et très pratique. Hongrois qu'on nous expose et en fin de compte on ne nous expose pas.

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Un jour lointain, quand je crevais la dalle (c'était l'expression convenue pour les artistes, comme Boticelli ou le Radeau de la Méduse, Botti n'allant pas sans Celli, méduse sans Radeau et artiste sans crever — mais tout cela est le passé), miracle, un journal médical Bavois m'a commandé une couverture.

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Si je savais que manger pouvait avoir un autre but que de se nourrir, c'était la première fois de ma vie, oui oui, j'insiste, que j'ai senti que la cuisine pourrait être un art. Comme regarder un tableau, toucher une femme, écouter les yeux fermés de la musique, lire Verlaine.
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