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Citation de Aym


Aym
20 février 2014
Après avoir enfilé ses caoutchoucs, le major Burnaby boutonna son manteau jusqu’au cou, prit sa lanterne-tempête, ouvrit avec précaution la porte de sa maison et risqua un coup d’oeil au dehors.
Le spectacle qui s’offrait à sa vue rappelait de manière frappante ces paysages de la
campagne anglaise tels que les représentent les cartes de Christmas ou les vieux
mélodrames. Depuis quatre jours, sur toute l’Angleterre la neige tombait à gros flocons et
dans la contrée de Dartmoor elle atteignait plusieurs pieds d’épaisseur. D’un bout à l’autre de la Grande-Bretagne, les habitants se lamentaient sur l’état de leur conduite d’eau et, en ce temps calamiteux, posséder les bonnes grâces d’un plombier constituait un privilège des plus enviés.
Dans ce village de Sittaford, complètement isolé du reste du monde, les rigueurs de
l’hiver compliquaient l’existence de façon tragique.
L’intrépide major, debout sur le seuil de sa demeure, aspira l’air par deux fois, poussa un
grognement, puis s’aventura résolument dans la neige.
Il n’alla pas loin. Un petit sentier sinueux le conduisait à une grille. Il suivit l’allée en
partie déblayée de neige et heurta à la porte d’une maison cossue, bâtie en granit.
Une jeune bonne très accorte vint lui ouvrir et le débarrassa de son vieux cache-nez.
Elle l’introduisit ensuite dans une pièce qui lui procura l’illusion d’assister au brusque
changement de décors d’une scène à transformations.
Bien qu’il fût à peine trois heures, les rideaux étaient tirés sur les fenêtres, l’électricité
éclairait brillamment les objets et le feu pétillait dans la cheminée. Deux femmes en robe
d’après-midi se levèrent pour accueillir l’ancien soldat.
— Que vous êtes gentil de venir nous voir, major Burnaby ! dit l’aînée des deux.
— Et moi je vous remercie de votre aimable invitation, madame Willett.
Il serra la main de l’hôtesse et de sa fille.
— Nous attendons également Mr. Garfield ainsi que Mr. Duke. Mr. Rycroft a promis
d’assister à notre petite soirée, mais je doute qu’il sorte par un temps pareil. A son âge, il est excusé d’avance. Il fait vraiment trop mauvais. On sent le besoin de se divertir pour ne pas devenir neurasthénique. Violette, mets donc une autre bûche dans la cheminée.
— Permettez-moi, mademoiselle, fit le major qui, galamment, se leva.
D’une main adroite, il plaça une bûche à l’endroit voulu, puis se rassit dans le fauteuil que
lui avait indiqué son hôtesse. Sans en avoir l’air, il lança des regards furtifs autour de lui et s’étonna de la transformation apportée dans ce salon. Pourtant, il n’aurait su dire ce qui avait bougé de place.
Dix années auparavant, le capitaine de marine Joseph Trevelyan, lors de sa retraite, avait décidé de vivre à la campagne. Rêvant depuis longtemps de se fixer dans le pays de Dartmoor, il avait jeté son dévolu sur le hameau de Sittaford, perché au flanc d’une colline couverte de lande et de bruyère, à l’encontre des autres fermes et villages environnants. Le capitaine s’était rendu acquéreur d’un vaste terrain sur lequel il avait élevé une demeure confortable, baptisée par lui du nom pompeux de castel. Il y avait fait installer un moteur électrique qui fournissait la lumière et actionnait une pompe à eau. Puis, en vue de spéculation, il avait construit six maisonnettes en bordure de la route qui conduisait à la grille de sa demeure.
Dans le bungalow le plus proche du castel logeait son vieil ami, John Burnaby. Peu à peu, les cinq autres pavillons s’étaient vendus, car il se trouve toujours des gens qui, par goût ou par besoin, s’éloignent du monde.
Le hameau, en lui-même, comprenait trois cottages délabrés, une forge et une boutique
qui tenait lieu à la fois de bureau de poste et de confiserie. Pour se rendre à la ville, il fallait parcourir près de dix kilomètres d’un chemin où les descentes rapides nécessitaient
l’inscription si familière aux routes de Dartmoor : Motocyclistes, attention ! Descente
dangereuse !
Comme nous l’avons vu, le capitaine Trevelyan était un homme riche. Malgré cela, il avait
un amour exagéré de l’argent. Vers la fin du mois d’octobre, un agent de location
d’Exhampton lui avait demandé par lettre s’il consentirait à louer sa maison, une de ses
clientes ayant formulé le souhait d’y séjourner pendant l’hiver.
Le premier mouvement du capitaine fut de refuser net. Toutefois, après réflexion, il écrivit
à l’agent pour obtenir de plus amples renseignements. La locataire éventuelle, lui fût-il
répondu, était une veuve, Mrs. Willett.
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