La jeune femme revêt en un éclair le camouflage d'ingénue qu'elle sort de son sac à malices quand un individu l'importune.
-Je peux vous parler franchement, Abe-san ?
-Oui...oui...
-Vous ne m'en voudrez pas ? Je ne risque pas de vous paraître insolente ou impudente ?
-Non, non, je vous en prie, s'empresse de répondre M.Abe, bien que le sens du dernier mot employé par Moeka lui échappe.
(..........)
-C'est dommage que vous habitiez Yokohama, ajoute la jeune femme.
Son chef sent une fine humidité perler sur sa colonne vertébrale, tel un filet d'eau le long d'une racine hors-sol. Le visage de son épouse lui apparait à la façon d'un ectoplasme avant de rejoindre le paquet de soucis sans importance qui ne l'incommodent pas plus que des poissons-pilotes ne pèsent à un requin.
-Il m'arrive de rester à Tokyo...enfin, disons que je peux m'arranger pour rester à Tokyo. Pourquoi ?
La jeune femme regarde autour d'elle pour vérifier que des oreilles n'ont pas été oubliées dans le wagon.
-Eh bien, avec deux amies, nous nous réunissons pour boire un verre certains soirs et... je me demandais si cela serait inconvenant de vous inviter à vous joindre à nous ...demain, samedi.
M.Abe, parfois fort en gueule, a du mal à maintenir ses mâchoires fermées. Le haut des fesses le picote comme s'il redoutait d'y recevoir la piqûre d'une infirmière débutante. Il respire profondément pour ne pas balbutier.