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Citation de enkidu_


Pour nous autres Juifs, la Palestine n'est pas une simple affaire de bienfaisance ou de colonisation, c'est un problème d'importance centrale pour le peuple juif. La Palestine n'est pas avant tout un refuge pour les Juifs d'Orient, c'est l'incarnation du sentiment national de communauté de tous les Juifs, se réveillant à nouveau. Est-il nécessaire, est-ce le moment d'éveiller et de renforcer ce sentiment de communauté ? A cette question, je crois devoir répondre par un oui sans conditions, non seulement par sentiment spontané, mais aussi pour des motifs basés sur la raison.

Jetons un bref coup d’œil sur le développement des Juifs allemands dans les cent dernières années. Il y a encore un siècle, nos devanciers, à de rares exceptions près, vivaient dans le ghetto ; ils étaient pauvres, privés de droits politiques, séparés des non-juifs par un rempart de traditions religieuses, d'usages extérieurs de l'existence, et de prescriptions limitatives légales, réduits dans leur développement intellectuel à leur propre littérature ; le puissant mouvement qui depuis la Renaissance avait soulevé la vie intellectuelle européenne ne les avait atteints qu'à un degré relativement faible. Mais ces hommes, vivant modestement, auxquels on ne prêtait que peu d'attention, avaient un avantage essentiel sur nous : chacun d'eux appartenait par toutes les fibres de son cœur à une communauté, dans laquelle il se fondait, dans laquelle il se sentait compter comme un membre de pleine valeur, qui n'exigeait de lui rien qui fût en opposition avec sa manière de penser naturelle. Nos devanciers d'alors étaient passablement opprimés physiquement et intellectuellement, mais au point de vue social ils se trouvaient dans un équilibre moral enviable.

Ensuite vint l'émancipation. Elle offrit soudainement à l'individu des possibilités de développement insoupçonnées ; les particuliers obtinrent rapidement des situations dans les couches sociales et économiques les plus élevées de la société. Ils s'étaient assimilés avidement les acquisitions souveraines que l'art et la science occidentales avaient créées. Ils participèrent avec une ardeur brûlante à leur développement en créant eux-mêmes des valeurs durables. Ce faisant, ils adoptèrent les formes extérieures d'existence du monde non-juif, se détournèrent en proportion croissante de leurs propres traditions religieuses et sociales, acceptèrent des mœurs, des façons, des opinions n'ayant rien de juif. Il semblait qu'ils allaient se fondre totalement dans les peuples qui les hébergeaient, de beaucoup supérieurs numériquement, mieux organisés au point de vue de la culture et de la politique, en sorte qu'après quelques générations il ne resterait plus aucune trace visible du peuple juif. Une dissolution complète inévitable du peuple juif paraissait inévitable en Europe Centrale et Occidentale.

Mais il en fut tout autrement. Il semble qu'il y ait des instincts de nationalités, différentes par la race, qui s'opposent à une fusion de cette nature. L'adaptation des Juifs à la langue, aux mœurs et même en partie aux formes religieuses des peuples européens au milieu desquels ils vivaient n'a pas pu parvenir à étouffer ce sentiment d'être des étrangers, qui sépare les Juifs de leurs hôtes européens. C'est sur ce sentiment spontané que repose, en dernier ressort, l'antisémitisme, et c'est pourquoi on ne peut pas faire disparaître celui-ci par des tracts, aussi bien intentionnés qu'ils soient.
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