AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de EricB


Elle prend un grand air de reine qui déroge,
Et nous nous installons à deux dans une loge.
Là, perdant lentement ses beaux dédains voulus,
Elle suit d'un regard qui rit de plus en plus,
Les grimaces, les tours, les grâces coutumières
Des pitres, des jockeys d'Epsom, des bayadères...
Parfois pour un gros mot, ou pour un camouflet,
Pour un corps qui s'abat, fauché par un soufflet,
Pour un pleur répugnant, sur un nez écarlate,
Tout en se récriant : "c'est trop bête !" elle éclate...

Et je lui dis tout bas : "Viviane ! Tu vois !...
Quelle horreur !...
- Quelle horreur ? Non ? c'est drôle parfois !
Et je réponds : "Toi qui souris, enfant divine,
Beauté, qui pour ne point même qu'on la devine,
Se gaze de pudeur, se voile de satin,
Enfant, il me fait mal, ce sourire mutin
Qui dit que tu peux voir (horreur d'être sincère !)
Sans haine la laideur, sans pitié la misère !...
Ces paillasses, ces clowns, pauvres êtres hideux,
Ces pitres, ces bouffons, qui sentent autour d'eux,
Autour de leur sottise, autour de leurs grimaces,
Du charbon de leurs yeux, du plâtre de leurs faces,
De la vile impudeur de leurs maillots fanés,
De leurs immondes fronts, de leurs ignobles nez,
Railler, hurler, glapir une grossière joie,
Sous le gaz cru du cirque énorme qui flamboie,
Crois-tu donc qu'ils n'aient point, eux aussi, ces bouffons,
Des cœurs, des pauvres cœurs, peut-être assez profonds,
Pour sentir qu'il est vil celui-là dont la face
Se tend vers le soufflet, se prête à la grimace,
Pour comprendre qu'il est d'un lâche sans pudeur,
De courtiser le sot qui rit de la laideur,
L'idiot qui peut voir sans colère et sans haine,
Un masque dégradant sur une face humaine !
Au moins, ces animaux, qui pour nous font des tours,
Ces chevaux et ces chiens, ces lions et ces ours,
Pauvres âmes de nuit, pauvres yeux de ténèbres,
Tu les as vu tantôt, lugubres et funèbres,
Tandis qu'à la cravache on les prostituait,
Garder un air hautain, plein d'un dégoût muet.
On ne les voit pas faire, eux, ces grimaces plates,
Gueule en cœur, effeuillant des baisers et les pattes
S'efforçant d'esquisser pour mieux blesser nos yeux,
Un geste aérien gauchement gracieux...
Non ! leurs cœurs ténébreux de brutes, et leurs âmes
Obscures d'animaux, sentaient, trouvaient infâmes,
Dégradants, insultants, ces battements de mains !
Ces bêtes valaient mieux que ces êtres humains !
Commenter  J’apprécie          00









{* *}