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Critiques de Alexander Moritz Frey (1)
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Mon nom est personne

C’est quelqu’un !

Je ne vais pas vous mentir. J’ai acheté ce roman pour son titre. J’ai passé la couverture comme on suit un générique, croyant qu’il s’agissait du bouquin ayant inspiré le cultissime western avec Terence Hill et Henry Fonda sur un petit air d’Ennio Morricone. Jack Beauregard face à la Horde Sauvage. J’ai dû le voir une bonne vingtaine de fois et je ne m’en lasse pas.

Et bien… rangez le stetson, désertez le saloon et oubliez les gueules burinées par le soleil car ce roman ne partage que le titre et une bonne dose d'insolence avec ce western spaghetti al dente.

Solneman, homme mystérieux, grimé comme un jour de carnaval, propose au bourgmestre d’une petite ville allemande d’acheter à prix d’or le parc municipal pour s’y installer. Les élus et les habitants sont méfiants mais ils finissent par céder à l’appât du gain. Les deux seules conditions du petit bonhomme: n’avoir aucun contact avec la population et s’assurer une tranquillité absolue. Pas le genre à partager du taboulé à la fête des voisins.

L’étranger fait bâtir tout autour du Parc une immense muraille de trente mètres de haut. Impossible pour les riverains de zieuter à travers la clôture discrètement pour s’assurer qu’il n’arrose pas son jardin pendant une période de sécheresse ou pour savoir s’il a une construit en cachette une piscine pour le dénoncer au fisc. A quoi bon disposer de fenêtres s’il n’est plus possible d’espionner la vie de ses voisins ?

Les habitants du bourg assistent à ces travaux et voient d’un mauvais œil le nouveau propriétaire accueillir une arche d’animaux exotiques, se faire construire un circuit automobile et céder à d’autres excentricités.

La population qui ne peut étancher sa curiosité d’ivrogne en vient à suspecter Solneman des pires bassesses et certains décident de passer outre les consignes. Par la voie des airs, par le cours d’une rivière, par le sous-sol, des expéditions sont organisées pour découvrir ce qui se trame derrière la muraille, quels terribles secrets obligent ce petit homme à cacher son visage sous un déguisement et à se terrer ainsi. Chacun va développer sa petite théorie scabreuse et répandre des rumeurs comme un virus dans un car scolaire. On fantasme sur ses mœurs, on lui invente un casier judiciaire, des expériences interdites.

Toutes les tentatives d’intrusions échouent de façon lamentable au pied de cette forteresse qui semble protéger par une obscure magie. L’étranger déjoue tous les plans et ne perd jamais une occasion de duper la populace.

Les habitants ne supportent pas qu’un homme se coupe ainsi du monde sous leur nez sans en connaître la raison. La solitude est suspecte. On ne fuit pas ses semblables sans une bonne raison. Obsédé par ce mystère, ulcéré de savoir qu’un homme vit au-dessus des lois, privés du droit ancestral de voir ce qui ne les regarde pas, ils ne vont reculer devant aucune outrance pour envahir son territoire. Les braves gens vont devenir féroces. Et si la morale de cette histoire était qu’il faut s’enfermer et s’isoler du monde pour être vraiment libre.

Ecrit en 1914, ce roman est un petit bijou d’ironie qui mérite de garnir le rayon des bibliothèques consacré aux perles rares. Son auteur, Alexander Moritz Frey, avait déjà compris à l’époque que la bêtise est beaucoup plus collective que l’intelligence et que les pensées positives dépassent rarement les murs des clubs de yoga. Cette fable à l’humour féroce file un bon coup de pied au derrière de la médisance, taloche les mesquins et égratigne les genoux des envieux.

Derrière la critique de nos bas-instincts, pointe aussi l’éloge de la différence. Un joli zoom sur ceux qui sortent du cadre du conformisme et qui refusent les conventions. La caricature de la société traverse bien le temps.

Ce romancier allemand, né à Munich en 1881, ami de Thomas Mann, pacifiste et hostile aux nazis, a vu ses livres brûler par le régime, barbecues de culture, autodafé plus facho que macho, et il a été obligé de s’exiler en Suisse.

La préface du traducteur, Jean-Jacques Pollet compare à raison Alexander Moritz Frey à Maurice Renard, Gaston Leroux et Leo Perutz. Son roman flirte avec le fantastique en vogue à l’époque et caresse le mystère des romans populaires mais avec un ton désinvolte et un détachement narquois, qui encouragent le lecteur à franchir la dimension du second degré.

Mêlez-vous de cette affaire d'ermite dans la ville.







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