Le repas avec la comtesse promettait d’être des plus monacaux. Sa fatigue déjà sensible le matin grandissait au fil du jour et le soir elle atteignait son paroxysme, si bien que la malheureuse semblait hanter sa propre demeure tel un spectre décharné. Sa main tremblait en plongeant dans la soupe et la force lui aurait sans doute manqué pour couper son pain si Liouba, connaissant bien sa maîtresse, n’avait pas réduit le gros morceau en petits carrés qu’elle pouvait aisément tremper dans son potage. C’était un spectacle contristant, car cette jeune femme de vingt ans mangeait comme une grand-mère de quatre fois son âge.