AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de raton-liseur


Je me figure que je suis une vieille fille, d’une autre génération. On ne manquait pas de vieilles filles dans ma famille. Je descends de gens sans fortune, terriblement secrets, tenaces, économes. Comme eux, je savais tirer le meilleur parti de ce que j’avais. Un bout de soie de Chines plié dans un tiroir, usé d’avoir été froissé entre les doigts, dans le noir ; ou bien la lettre unique, cachée sous le linge de jeune fille, qu’on n’a jamais besoin d’ouvrir ni de lire parce qu’on en connaît tous les mots par cœur et que le simple toucher suffit à rappeler le tout. Peut-être rien de si tangible, rien que le souvenir d’un mot ambigu, d’un ton d’une fortuite intimité, d’un regard dur, désemparé. Cela suffisait. Il n’en fallait pas plus pour me soutenir, pendant des années, tandis que je frottais les seaux à lait, crachait sur mon doigt pour tâter le fer à repasser, suivais les vaches le long du sentier raboteux, parmi les aulnes et les marguerites jaunes, que j’étendais sur la clôture les bleus de travail, pour qu’ils sèchent, et les torchons sur les buissons.
(p. 169, “L’autobus de Bardon”, Partie 1).
Commenter  J’apprécie          50





Ont apprécié cette citation (4)voir plus




{* *}